Madame la présidente, mesdames, messieurs, après l'intervention très claire et très complète de votre rapporteur, je souhaiterais à mon tour saluer le travail parlementaire qui a été réalisé à l'occasion de cette proposition de loi.
Je voudrais d'abord saluer la méthode et l'esprit qui a présidé à vos travaux.
Lors de son discours devant les principaux acteurs de la sécurité de la chaîne pénale, en mai 2009, le Président de la République avait demandé que soit engagée une réflexion sur les moyens d'améliorer la réglementation des armes.
Un comité de concertation s'était mis en place au sein du ministère de l'intérieur, sous la présidence du préfet Patrice Molle. Une dizaine de réunions ont été organisées avec les représentants des chasseurs, des tireurs sportifs, des collectionneurs, mais aussi des 900 armuriers de France pour dégager les voies d'une réforme consensuelle. Je tiens à ce propos à saluer le travail mené avec la fédération nationale des chasseurs, la fédération française de tir sportif et l'ensemble des structures rassemblées au sein du comité Guillaume Tell.
Parallèlement, votre commission des lois a souhaité créer au mois d'octobre 2009, sous la présidence de Bruno Le Roux, une mission d'information sur les violences par armes à feu et l'état de la législation. Cette mission, dont le rapport a été adopté à l'unanimité des membres de la commission des lois, a mené, en bonne intelligence avec les ministères de la défense et de l'intérieur, un très beau travail d'expertise et de concertation avec les professionnels du secteur.
Je suis très heureux que la proposition de loi déposée par Claude Bodin, Bruno Le Roux et Jean-Luc Warsmann soit ainsi directement issue de l'ensemble de ces travaux. Il s'agit incontestablement d'un texte établi dans une logique consensuelle, résultat d'une large concertation et entouré de garanties juridiques solides.
Vous êtes parvenus à un bon équilibre entre les deux enjeux de ce texte : l'exigence de simplification et la nécessité de renforcer la sécurité publique.
D'abord, il fallait impérativement simplifier la législation sur les armes.
Le constat est connu et partagé : notre législation est datée et manque de cohérence. Elle repose en effet sur un décret-loi d'avril 1939, texte de circonstance, pris à la veille de la seconde guerre mondiale pour des raisons de défense nationale, et modifié à plusieurs reprises, souvent au lendemain de faits divers ayant impliqué des armes à feu.
La législation ne prend en compte ni les évolutions technologiques ni les évolutions de la délinquance. Qui plus est, au fil du temps, cette réglementation a acquis un tel degré de complexité que rares sont les personnes à la maîtriser totalement, ce qui complique incontestablement le travail des policiers, des gendarmes, des agents des préfectures, comme celui des utilisateurs légaux. Pour parler clair, elle était beaucoup trop tatillonne avec les honnêtes gens – chasseurs, tireurs sportifs ou collectionneurs –, et pas assez dure à l'égard des trafiquants. Je salue donc votre volonté de proposer une nouvelle classification des armes, plus simple, plus accessible et de surcroît en conformité avec nos obligations européennes en la matière.
Il y aura désormais quatre grandes catégories d'armes : les armes interdites, les armes soumises à autorisation, les armes soumises à déclaration, et les autres armes soumises à enregistrement ou dont la détention est libre, au lieu des huit catégories actuelles. Le Gouvernement est heureux de saluer cette simplification, gage d'une meilleure appropriation de la législation par les différents acteurs.
Second enjeu de ce texte, il s'agit de renforcer la sécurité publique à travers la lutte contre le trafic d'armes. C'est, cela va de soi, une priorité du ministère de l'intérieur.
Nous en avons eu cet été ou plus récemment des exemples : que ce soit à Grenoble, en Seine-Saint-Denis ou à Marseille, notre combat contre la délinquance nous rappelle que nous devons lutter contre les trafics illégaux d'armes au même titre que contre les trafics de stupéfiants. C'est un enjeu fondamental de sécurité publique.
Au niveau central, l'office central de lutte contre le crime organisé coordonne la lutte contre le trafic d'armes et l'ensemble des trafics qui lui sont liés. Pour l'année 2010, 2 719 armes ont été saisies contre 1 487 pour l'année 2009, soit une augmentation de plus de 82 %.
Par ailleurs, lutter contre le trafic d'armes suppose aussi d'agir dans un cadre européen et international.
Nous menons d'ores et déjà un grand travail de coopération internationale dans le cadre de ce qu'on appelle le « pôle Zagreb ». Nous devons désormais convaincre nos partenaires européens de durcir les règles de neutralisation des armes. Aujourd'hui, les armes en provenance des Balkans peuvent être neutralisées dans des pays où les standards techniques ne sont pas suffisamment stricts. Elles peuvent donc ensuite être facilement remilitarisées. Notre devoir est de mettre un terme à ces pratiques.
Sur la question de la réglementation des armes, le ministère de l'intérieur a déjà commencé à agir en prenant quatre mesures afin de mieux lutter contre la circulation incontrôlée des armes.
Premièrement, les armureries sont maintenant mieux contrôlées. Par un décret du 10 juillet dernier, un régime d'autorisation administrative d'ouverture a été mis en place. Le préfet est désormais en droit de s'opposer à l'ouverture d'une armurerie s'il estime que celle-ci pose un problème de sécurité publique. La LOPPSI, qui vient d'être votée la semaine dernière en seconde lecture au Sénat, soumet, par ailleurs, les armuriers à une procédure d'agrément individuel : à l'évidence, être armurier, ce n'est pas une profession ordinaire.
Deuxièmement, nous disposons désormais, avec le fichier AGRIPPA, d'un outil efficace et moderne de traçabilité des armes en circulation. C'est un point sur lequel nous avons longuement débattu, et je remercie les auteurs de la proposition de loi d'avoir bien voulu prendre en compte les arguments et les engagements du ministère de l'intérieur.
Mise en place depuis trois ans, AGRIPPA – application de gestion du répertoire informatisé des propriétaires et possesseurs d'armes – recense aujourd'hui près de 3,5 millions de détenteurs d'armes. Cet outil permet déjà de tracer les armes soumises à déclaration ou à autorisation. C'est ce qui explique que le ministère de l'intérieur ait été réservé sur la proposition de créer une « carte grise » pour les armes à feu. La création de ce certificat aurait entraîné une charge financière assez lourde pour l'État – plusieurs dizaines de millions d'euros s'il s'était agi d'un document sécurisé, ce qui aurait naturellement été le cas –, et aurait mobilisé les agents des préfectures sur une nouvelle fonction de production de titres, ce qui ne va pas tout à fait, disons-le, dans le sens de l'évolution de leur plan de charge dans le contexte de la RGPP.
Pour autant, la base AGRIPPA doit continuer à se moderniser. Je réitère donc devant la représentation nationale les engagements que j'ai pris dans un courrier adressé le 22 octobre au président de votre commission, qui a dû vous en faire part.
Jusqu'à très récemment, seuls les agents des préfectures bénéficiaient d'un accès direct à cette application informatique. Si les forces de sécurité avaient besoin d'un renseignement, elles devaient saisir les préfectures, avec les délais que cela induit. Le rapport de votre mission avait à juste titre soulevé cette anomalie. Je vous informe que, désormais, l'ensemble des unités de police et de gendarmerie disposent d'un accès direct à AGRIPPA.
Le 10/02/2011 à 10:54, Armurier 49 a dit :
Je trouve inconcevable qu'un tel fichier (AGRIPPA) n'ai pu exister avant avec les moyens informatique qui existe depuis des années.
Ceci est une TRES bonne chose.
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