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Intervention de Claude Bodin

Réunion du 25 janvier 2011 à 22h00
Contrôle des armes à feu — Discussion d'une proposition de loi

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaClaude Bodin, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République :

Madame la présidente, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, mes chers collègues, j'ai l'honneur de présenter à la délibération de l'Assemblée nationale la proposition de loi tendant à l'établissement d'un contrôle des armes à feu moderne, simplifié et préventif.

Puisqu'il me faut indiquer en quelques mots les prémices, les objectifs et les ambitions de la proposition que j'ai cosignée avec Jean-Luc Warsmann et Bruno Le Roux, je dirai qu'elle est le fruit d'une démarche raisonnée et collective ayant pour finalité la préservation de la sécurité de tous, dans le respect de nos spécificités nationales et grâce au sens des responsabilités de chacun.

Je viens d'évoquer à l'instant une démarche raisonnée et collective. Ce texte marque en effet l'aboutissement d'un travail approfondi et consensuel : celui que la mission d'information sur les violences par armes à feu et sur l'état de la législation a réalisé entre octobre 2009 et juin 2010 et qui a amené des parlementaires à porter, par-delà les appartenances politiques et les opinions premières, un même jugement sur l'efficacité du contrôle des armes à feu en France et sur la nécessité d'en assurer la rénovation.

Ce diagnostic commun repose sur un constat assez largement partagé : en raison de sa complexité, notre cadre juridique ne garantit plus aujourd'hui un contrôle optimal des armes et la prévention des violences. Au-delà de la très grande stabilité des catégories de classement des armes à feu, il est indéniable que notre dispositif a perdu de sa cohérence. Or la question des violences commises avec armes dans notre pays constitue un motif de préoccupation majeur pour nos concitoyens et pour les élus que nous sommes. Certes, la France ne saurait être raisonnablement comparée aux États-Unis, un pays où l'on dénombre autant d'armes que d'habitants, mais où l'on ne compte plus les fusillades meurtrières. Notre pays ne connaît heureusement de tels drames que de façon exceptionnelle, même s'il n'est pas épargné par les deuils, tels ceux qui ont frappé le conseil municipal de Nanterre en mars 2002 ou, l'année dernière, la famille d'une jeune policière municipale tombée sous les balles d'un commando de malfaiteurs en fuite à Villiers-sur-Marne.

Dans ces conditions, la collectivité se doit d'agir et de prendre la mesure des défis que représente la prévention des violences par armes à feu. Comment ? Certains estiment peut-être que notre réglementation est déjà suffisamment stricte et qu'une révision de la réglementation n'aurait pour effet que d'embarrasser les honnêtes citoyens : chasseurs, tireurs sportifs, tireurs de ball-trap qui s'adonnent à leur passion dans un cadre très strict et font montre d'un sens aigu de leurs responsabilités. Mais, s'agissant d'un sujet aussi sensible que celui des armes, la société peut-elle vraiment s'en remettre à la seule sagesse des individus pour assurer la sécurité du plus grand nombre ? Il est vrai qu'une arme ne représente en soi un danger qu'à raison du mauvais usage qu'en fait son propriétaire ou son détenteur. Reste à savoir si la population des détenteurs d'armes ne comprend que des gens raisonnables et posés… Le risque d'un tel pari serait trop grand et l'actualité vient trop souvent nous rappeler que la population des détenteurs d'armes ne se réduit pas aux seuls chasseurs, tireurs sportifs, pratiquants de ball-trap ; on y trouve aussi des délinquants, des impulsifs, des négligents, des inconscients ou des déséquilibrés. Ces individus représentent, à des degrés divers, une menace pour eux-mêmes et pour autrui. Il incombe donc aux pouvoirs publics d'assurer un encadrement du commerce, de la détention et de l'usage des armes permettant de garantir la sécurité publique.

Pour ce faire, Jean-Luc Warsmann, Bruno Le Roux et moi-même avons voulu nous inscrire dans la perspective tracée par les travaux de la mission et contribuer ainsi à l'établissement d'un cadre juridique approprié, garantissant la meilleure protection possible de la sécurité publique sans formalités excessives ni procédures trop lourdes pour nos concitoyens. Dans notre esprit, le législateur ne doit pas créer des formalités inutilement contraignantes pour nos concitoyens dès lors que d'autres voies permettent d'atteindre l'intérêt général. C'est d'ailleurs par souci de mesure que la commission des lois, sous l'autorité de son président et à l'initiative de votre rapporteur, a supprimé deux dispositions qui, réflexion faite, pouvaient apparaître excessives et sans bénéfice pour la sécurité publique : le certificat d'immatriculation des armes à feu proposé par l'article 4 de la proposition de loi originelle, et le délai de latence entre l'acquisition et la remise effective d'une arme prévu par l'article 7. Ces deux articles ont été supprimés par la commission. En effet, les problèmes soulevés par la mise en oeuvre de ces dispositifs pouvaient s'avérer complexes et, dans un domaine aussi particulier, il convenait de se garder de tout a priori. De fait, nous n'avons pas souhaité aborder ces questions de manière idéologique.

À ce propos, je souhaiterais dissiper tout malentendu concernant l'emploi, dans l'exposé des motifs, du mot « privilège » dont il a été fait une interprétation pour le moins excessive. Dans mon esprit – comme du reste dans celui des deux autres auteurs de la proposition de loi – ce terme n'impliquait nullement de réserver l'acquisition et la détention des armes à quelques-uns à l'image de ce qui se faisait jadis, sous l'Ancien Régime, où le port de l'épée constituait l'apanage des nobles appelés à verser leur sang au service du roi. Ce terme souligne, en revanche, la nature pour le moins très particulière de ces objets et la responsabilité aussi peu commune de ceux qui prétendent un jour en faire l'acquisition ; ce qui, de notre point de vue, justifie l'établissement de conditions strictes auxquelles ne peuvent pas nécessairement satisfaire tous nos concitoyens. À l'évidence, les armes ne sont pas des objets quelconques. Elles exigent un encadrement spécifique, conforme à un usage et à une puissance qui les distingue nécessairement des lanceurs et objets multiples utilisés dans le cadre d'activités de loisirs telles que le paintball ou l'airsoft. De même, notre texte manquerait sa cible s'il étendait démesurément le champ de la législation sur les armes à des objets qui n'en présentent que les apparences. Il nous faut, à la vérité, un dispositif simple et clair qui fixe les principes essentiels, évite toute distorsion ou incohérence et laisse au pouvoir réglementaire la possibilité de régler des questions plus ponctuelles dans le détail desquelles le législateur ne pourrait efficacement rentrer. Dans cette optique, je crois que nous pouvons parvenir à un dispositif équilibré non seulement compatible avec les obligations découlant pour la France de la directive européenne du 18 juin 1991, mais préservant également les spécificités du droit national.

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