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Intervention de Jacques Belle

Réunion du 19 janvier 2011 à 10h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Jacques Belle, président de la Commission consultative du secret de la défense nationale :

En tout cas, les documents ont été déclassifiés et transmis au juge : contrats, annexes aux contrats, rapport de Jean-Louis Porchier, annexes au rapport, etc. Les cinq premiers avis de la Commission consultative sur l'affaire de Karachi ont proposé de tout déclassifier, sauf le rapport d'audit de sécurité commandé à la Direction générale de la gendarmerie et exécuté sur place par le Groupe d'intervention de la gendarmerie nationale – GIGN. En effet, son objectif était de savoir comment mieux assurer, après l'attentat, la sécurité des agents susceptibles de travailler à nouveau au Pakistan. L'audit dressait un maigre bilan du dispositif de sécurité en vigueur avant l'attentat – et cette partie a été déclassifiée –, mais surtout, il énumérait tous les sites dans lesquels les agents de la Direction des chantiers navals étaient appelés à travailler, à résider ou à se rendre pour leurs loisirs. Rendre publics ces renseignements revenait à fournir clés en main l'attentat suivant !

Le cinquième avis faisait suite à l'intervention du juge Trévidic, qui se demandait si tous les documents pouvant concerner l'affaire de Karachi avaient été soumis à la CCSDN. Le ministre de la défense a donc donné instruction à tous ses services – y compris la délégation générale de l'armement, l'état-major de la marine, et la DGSE – de procéder aux recherches nécessaires. La DGSE m'a invité à examiner ce qu'elle présentait elle-même comme ses « fonds de tiroir ». Nous avons analysé plusieurs cartons et trouvé des documents auxquels nous avons appliqué nos critères de tri habituels, le premier étant de savoir s'ils avaient un rapport avec l'affaire. Dans ces cartons figurait par exemple tout ce qui touchait aux relations entre notre pays et le Pakistan pendant la période considérée : cela n'avait donc pas nécessairement de lien avec l'exécution du contrat Agosta, et donc, le cas échéant, avec l'attentat. C'est ce qui explique pourquoi le dernier avis rendu par la CCSDN sur l'affaire de Karachi ne proposait la déclassification que d'une partie seulement des documents.

Cela m'amène au problème de la motivation des avis. Nous ne pouvons pas les motiver pour deux raisons : d'une part, nous risquerions ainsi de compromettre un secret, et d'autre part, ce serait une manière d'exercer une pression sur le ministre qui prend la décision d'autoriser ou de refuser la déclassification. En effet, les avis de la Commission consultative sont automatiquement publiés sous quinze jours. Cependant, l'absence de motivation peut se révéler embarrassante, notamment quand nous rendons un avis négatif parce que nous estimons que le document considéré n'a aucun rapport avec l'affaire – ce qui est souvent le cas.

Neuf fois sur dix, nos avis, qu'ils soient favorables ou défavorables, sont suivis par l'autorité administrative. Et dans 80 % des cas, nos avis défavorables s'expliquent par l'absence de lien entre le document concerné et l'affaire. Le « noyau dur » du secret réside dans les 20 % restants.

Quant aux critères sur lesquelles s'appuie la Commission, ils sont précisés dans la loi. Trois sont relatifs à la justice : la prise en considération des missions du service public de la justice, le respect de la présomption d'innocence et celui des droits de la défense. On peut également citer la nécessité de préserver les capacités de défense et le respect des engagements internationaux de la France. Notons au passage que tous les contrats d'armement prévoient le respect des règles applicables au secret de la défense dans chacun des pays signataires ; si un des pays veut lever ces contraintes, il doit le faire en accord avec l'autre. Enfin, le dernier critère est celui de la sécurité des personnels, que la Commission interprète au sens large, celui de « personnes », afin de protéger non seulement les fonctionnaires ou les agents, mais aussi, le cas échéant, les sources.

Pour répondre à M. Ménard, l'année dernière, la Commission s'est réunie une fois par mois, sauf au mois d'août. Ses recommandations sont généralement suivies, comme je l'ai dit : sur cinq ans, 90 % des décisions de l'autorité administrative ont été conformes à ses avis. L'année dernière, nous n'avons pas connu de décision contraire, car nous n'avons été saisis que par le ministère de la défense. Or M. Morin, après avoir dit qu'il suivrait toujours nos recommandations, a tenu sa promesse.

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