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Intervention de Gérard Mestrallet

Réunion du 19 janvier 2011 à 10h00
Commission des affaires économiques

Gérard Mestrallet, président-directeur général de GDF-Suez :

En effet. Si nous devions creuser cette idée, elle se traduirait par un renforcement du capital public au sein de GRTgaz.

Je le répète, nous n'avons pas de problème de dette. Notre particularité, outre notre large implantation en Europe, est notre présence exceptionnellement élevée dans le monde émergent. Grâce à la fusion avec International Power, nous sommes le premier producteur privé d'électricité au Brésil, de même qu'au Pérou, au Chili, au Moyen-Orient, en Thaïlande, à Singapour. Nous serons bientôt présents en Indonésie et en Australie. Nous allons donc pouvoir participer à la croissance de ces pays, sachant que 80 % des besoins d'accroissement des capacités concerneront le monde émergent, contre 20 % seulement en Europe et au États-Unis.

Un groupe comme EON, longtemps la plus grosse utility au monde, qui était exclusivement et massivement présent en Europe, vient d'annoncer sa nouvelle stratégie, qui se traduira par la vente de 15 milliards d'euros d'actifs en Europe et par l'affectation du produit pour moitié au désendettement et pour moitié au développement en Amérique latine et en Asie, où le groupe part de zéro.

Nous avons pour notre part mis plus de dix ans à bâtir cette présence. Avec International Power, nous doublons notre taille dans les pays émergents et nous y sommes, de très loin, le premier acteur.

Monsieur Anciaux, en tant que client et partenaire d'AREVA, nous considérons qu'un démantèlement est dépourvu d'utilité. La création d'AREVA a doté la France d'un grand acteur, qui doit maintenant négocier un partenariat stratégique avec son grand client, EDF, mais aussi avec les autres clients, dont GDF-Suez. Après un projet d'accord différé, nous travaillons beaucoup sur l'ATMEA et nous considérons qu'AREVA, dans ses structures actuelles, est une chance pour la France. Cela dit, il convient de trouver les bonnes relations contractuelles, sachant qu'il ne peut y avoir de modèle unique.

Le système nucléaire français est une formidable réussite, le plus grand projet industriel qui ait jamais été réalisé dans le monde. Il a réuni un acheteur unique, EDF, et un fournisseur unique, Framatome, pour un territoire unique, la France. Mais, dans le reste du monde, des électriciens sont déjà présents partout, et il est impossible de reproduire le schéma qui a permis la construction du parc nucléaire français.

EDF et AREVA sont de très grandes entreprises et nous devons trouver les bons partenariats au coup par coup. Dans certains pays – aux États-Unis notamment, où le capital des exploitants de centrales nucléaires doit être américain à plus de 50 % –, l'électricien local achètera des centrales mais ne demandera pas de partenariat pour les exploiter.

Madame Fioraso, nous travaillons sur les smart grids. Alors que les systèmes de production d'électricité et de gaz ont été très centralisés pendant cinquante ans, la tendance est à une décentralisation accrue. La volatilité des consommations, donc celle des prix instantanés, augmente. Il faut donc trouver des systèmes efficaces d'effacement des pointes.

De ce point de vue, le développement très rapide du renouvelable pose des questions de plus en plus importantes pour la gestion des flux électriques produits, qui sont intermittents et que l'on ne peut commander. Il n'y a pas forcément de coïncidence entre le moment où il y a du vent et le moment où le client consomme de l'électricité. Notre groupe a élaboré des modèles à ce sujet en Grande-Bretagne et en Allemagne. La production nucléaire est à peu près stable tout au long de l'année et l'on ne peut l'interrompre ; de plus, quand il y a du vent, il faut mettre toute l'électricité éolienne sur le réseau, si bien que, à certaines périodes, tous les autres moyens de production doivent être arrêtés. Il arrive même que la somme de la production nucléaire et de la production éolienne dépasse la consommation, auquel cas le prix de l'électricité devient négatif.

Les centrales dites « stations de pompage », qui remontent l'eau lors des heures creuses et la libèrent dans les turbines durant les heures pleines, offrent un instrument de flexibilité pour affronter les pics de consommation ou les excédents de production, mais il est aujourd'hui impossible d'en construire de nouvelles pour des raisons environnementales. Nous avons trois installations de ce type aux États-Unis, en Belgique et, grâce à International Power, en Grande-Bretagne, et EDF en détient une en France.

L'autre solution est le smart grid, l'utilisation intelligente des consommations, par laquelle la batterie ou le radiateur à accumulation du consommateur individuel se recharge à des moments donnés. Des systèmes de commandes sophistiqués sont alors nécessaires pour savoir quand la production d'électricité est excédentaire par rapport à la consommation et pour déclencher en conséquence des systèmes individuels.

J'en viens au photovoltaïque et à l'éolien off shore, qui ne dégagent pas de CO2 mais qui produisent une électricité qui revient très cher par rapport à l'électricité provenant du nucléaire, du gaz ou du charbon. C'est une affaire de choix. Si l'Europe veut parvenir au « 3 × 20 », elle devra subventionner largement ces sources alternatives. Malgré son parc nucléaire et hydraulique, la France a elle aussi besoin de capacités de pointe flexibles, qui ne peuvent être autre chose que des centrales à gaz. Nous en avons construit plusieurs et nous en inaugurerons deux très prochainement à Fos et à Montoir.

Comme vous l'avez relevé, madame Got, le prix de marché du gaz est actuellement très bas. Mais, pour garantir la sécurité d'approvisionnement, l'État nous contraint à acheter notre gaz, non pas sur le marché libre, mais par des contrats de long terme qui, depuis des décennies, sont indexés sur les cours du pétrole. On constate d'ailleurs que, sur trente ans, le prix du marché libre a été supérieur au prix résultant des contrats de long terme.

Depuis plus d'un an et demi, le prix de marché diminue en raison de la baisse de la consommation due à la crise, de l'exploitation de quantités importantes de gaz non conventionnel aux États-Unis et enfin de la production de GNL en grandes quantités au Qatar. La durée de cette « bulle gazière » dépendra sans doute de la reprise mondiale. En tout cas, nous avons demandé à nos grands fournisseurs – Gazprom, les Algériens, les Norvégiens, les Néerlandais – de prendre en compte temporairement une part du prix de marché dans les contrats. De même, le nouveau contrat de service public passé avec l'État intègre une part du prix de marché, ce qui explique qu'il n'y ait eu d'augmentation ni au 1er octobre ni au 1er janvier dernier. Grosso modo, la réduction que nous avons obtenue a compensé l'effet de hausse dû à l'indexation sur le pétrole.

M. Gagnaire m'a interrogé sur le choix de la vallée du Rhône pour le projet d'ATMEA. Parmi les terrains nucléaires disponibles, nous souhaitions privilégier les sites d'AREVA et du CEA, qui sont beaucoup moins nombreux que ceux d'EDF. AREVA possède le site de Pierrelatte-Tricastin, le CEA celui de Marcoule. Ce sont des sites déjà nucléarisés et la perspective d'une nouvelle construction est plutôt bien accueillie par les élus et les populations. De plus, les lignes à haute tension existantes permettent d'acheminer l'électricité d'un réacteur ATMEA. Et n'oublions pas que le Sud-Est, comme la Bretagne, manque de capacités !

Pour ce qui est du rapport Roussely, je ne suis pas concerné et n'ai donc rien à dire.

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