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Intervention de Marie-Claude Dupuis

Réunion du 19 janvier 2011 à 16h15
Commission des affaires économiques

Marie-Claude Dupuis, directrice générale de l'ANDRA :

Pour répondre d'abord aux questions d'ordre technique, si la radioactivité finit bien par s'éteindre, cela peut prendre des millions d'années. Ce que nous cherchons avec le stockage géologique, c'est de retarder suffisamment longtemps la mobilité des radionucléides dans l'argile pour faire en sorte que lorsqu'ils parviennent à la surface – soit, dans le cadre du stockage Cigéo, au bout de centaines de milliers d'années – leur radioactivité ait suffisamment décru pour que leur impact soit inférieur à la radioactivité naturelle.

Concernant la traçabilité des déchets, la loi nous a confié la responsabilité de l'Inventaire national des déchets radioactifs et des matières valorisables mis à jour tous les trois ans, et publié sous le contrôle d'un comité de pilotage qui réunit au niveau national toutes les parties prenantes : producteurs, bien sûr, État, Parlement, Commission nationale d'évaluation et, depuis cette année, associations de protection de l'environnement – Robin des Bois, France Nature Environnement – aux fins de transparence et de lisibilité par le public.

Je reviens avec d'autant plus de plaisir sur la question des sites pollués que la loi de programme de 2006 a tout changé en la matière en confiant formellement cette mission d'intérêt général à l'ANDRA alors qu'elle était remplie jusqu'alors sans moyens financiers et sans responsabilité clairement définie. Non seulement nous en avons aujourd'hui la responsabilité, mais l'État nous a donné les moyens de l'assumer avec la subvention de 4,5 millions. J'ai d'ailleurs également proposé en 2007 à l'Agence – à l'instar de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) pour les sites pollués dans le domaine chimique – de créer, sous l'égide de son conseil d'administration, une Commission nationale des aides dans le domaine radioactif (CNAR) avec participation des associations de protection de l'environnement pour définir tant les priorités que les objectifs de réhabilitation. C'est ainsi que, avec la somme allouée par l'État, la réhabilitation des sites pollués recensés a commencé par ceux qui posaient des problèmes sanitaires, certaines personnes en Île-de-France, notamment en Essonne, vivant encore dans des lieux contaminés. Aujourd'hui, la CNAR est reconnue et les préfets la connaissent de mieux en mieux. Avec l'accord des services du Premier ministre et sous l'autorité du préfet de région Île-de-France et de l'ASN, nous allons maintenant passer à la phase 2 des objectifs de loi de programme de 2006 puisque si, jusqu'à présent, nous nous occupions des sites où existait un risque sanitaire avéré, nous allons agir progressivement, en liaison avec l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) sur tous ceux pour lesquels un doute existe.

Pour ce qui est de la recherche et développement, l'ANDRA et le CEA, ainsi que nous y ont invités la loi de programme de 2006 et le ministère, travaillent en lien étroit sur la question des déchets futurs des réacteurs de quatrième génération. Et si le Commissariat est responsable des études sur la séparation-transmutation des déchets, c'est également ensemble que nous expliquons l'intérêt de cette technique par rapport à un stockage géologique. Il ne faut cependant pas se bercer d'illusion : ces réacteurs produiront toujours des déchets radioactifs. Aussi l'objectif est-il, avec la séparation-transmutation, de pousser plus loin le retraitement des radioéléments dans le coeur du réacteur pendant la production d'électricité afin de réduire le niveau d'activité des déchets les plus dangereux. L'ANDRA est d'autant plus intéressée en tant que stockeur que plus on réduit cette activité plus on baisse la température, ce qui permet de compacter le stockage : moins il y a de chaleur, et plus on peut mettre les colis les uns auprès des autres et économiser ainsi la surface d'argile à creuser. Le procédé pourrait cependant produire plus de déchets de moyenne activité à vie longue, et c'est là également tout l'intérêt de l'argent qui nous a été confié dans le cadre du Programme d'investissements d'avenir puisque nous travaillons avec le CEA et AREVA sur le traitement de ces déchets radioactifs chimiques.

Toujours en matière de R&D, un autre volet tout aussi important concerne le recyclage des déchets radioactifs dans la filière nucléaire. La France a pris la décision, contrairement à d'autres, de ne pas avoir de seuil de libération, c'est-à-dire de prévoir une filière de gestion pour tout déchet sortant d'une zone nucléaire. C'est ce qui explique la création du stockage de Morvilliers pour les déchets de démantèlement. Or, non seulement ces aciers très faiblement contaminés pourraient être revalorisés, mais les sites de déchets de faible activité à vie longue doivent être économisés le plus possible, l'objectif n'étant pas de les multiplier. Aussi travaillons-nous avec EDF, le CEA et AREVA pour voir dans quelle mesure on pourrait, à partir de ces ferrailles fabriquer des ferraillages pour les bétons de nos stockages ou encore utiliser cet acier recyclé pour les colis – l'idée étant de les recycler dans la filière.

Pour revenir sur le Programme d'investissements d'avenir, le premier projet permettant de commencer à engager le fonds de 100 millions d'euros sera présenté début février au comité ad hoc de pilotage avec le Commissariat général à l'investissement (CGI) qui pilote les investissements d'avenir. Il concernera le traitement des déchets organiques, en collaboration avec le CEA et AREVA.

L'acceptation sociale de Cigéo est une préoccupation constante. Le travail de tous et la concertation menée avec les élus meusiens et haut-marnais ont permis de faire comprendre l'intérêt du stockage. Aujourd'hui, une nouvelle phase de dialogue s'est ouverte avec les acteurs locaux concernant les installations de surface, la descenderie – il pourrait d'ailleurs y en avoir deux – et son entrée par la Meuse ou par la Haute-Marne, l'idée étant, ainsi que le Premier ministre l'a souligné, de privilégier le plus possible le bidépartementalisme, ces deux départements étant associés depuis longtemps dans ce projet. Sachez cependant que si, pendant deux mois et demi, nos camions vibrateurs ont sillonné les routes sur les 30 kilomètres carrés de la zone de transposition pour faire de la reconnaissance géologique, nous n'avons eu que deux fois deux heures d'interruption – pacifique – par des opposants. Rien cependant n'est jamais gagné, et c'est pourquoi l'ANDRA avance très prudemment, la confiance étant longue à acquérir et pouvant se perdre très vite.

Alors qu'aujourd'hui la R&D représente 100 millions d'euros par an, l'évaluation du coût du stockage, soit 15 milliards d'euros sur cent ans, aboutit à un ordre de grandeur de 150 à 300 millions par an.

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