Je me demandais, monsieur le président, en vous écoutant mener ce rythme d'enfer, si vous aviez des liens familiaux avec Stakhanov, qui est d'ailleurs bien connu à Drancy. (Sourires.)
Monsieur le garde des sceaux, on a beaucoup fait référence à la CNDS, et je comprends – évidemment sans être d'accord – que vous l'ayez crucifiée : c'était une sorte de miroir que l'on vous tendait pour que vous y regardiez les turpitudes auxquelles donnent lieu les pratiques qui ont cours dans notre pays. Au lieu de corriger les pratiques, vous cassez le thermomètre ! Vous avez d'ailleurs fait la même chose en matière de droits des prisonniers, en infligeant le même sort à M. Delarue.
Comme le note la CNDS dans son avis du 6 janvier 2011, le projet de loi marque un recul, s'agissant de l'enregistrement des auditions, par rapport à l'avant-projet de réforme du code de procédure pénale. Alors que celui-ci rendait possible, certes sous conditions restrictives, l'enregistrement des auditions en matière délictuelle et non plus uniquement en matière criminelle, le texte dont nous débattons ne comporte aucune avancée en la matière. En l'état actuel du droit, depuis la loi du 5 mars 2007, l'enregistrement audiovisuel des interrogatoires conduits par l'autorité policière et judiciaire est obligatoire, à l'exception des poursuites pour délit mineur. Cette disposition ne s'applique cependant pas aux personnes accusées de terrorisme ou de crime organisé, sauf autorisation du procureur de la République ou du juge d'instruction.
Par ailleurs, la loi ne prévoit pas l'installation de caméras de vidéosurveillance dans l'ensemble du commissariat de police ou de la brigade de gendarmerie où les gardés à vue sont susceptibles de se trouver. Ainsi ne prévoit-elle pas, par exemple, l'installation de caméras dans les couloirs.
Constatant cette défaillance, le Comité contre la torture des Nations unies, dans ses observations finales sur la France, recommande « de généraliser l'enregistrement audiovisuel des auditions à l'ensemble des personnes interrogées, ainsi que de déployer l'installation physique des caméras de surveillance dans l'ensemble des locaux de police et de gendarmerie, de façon à élargir et renforcer le spectre de protection des personnes gardées à vue et détenues ». Vous le constatez, le comité manie, sans le faire exprès, le double sens : je ne suis pas certain que le mot « spectre » ait le même sens pour le Gouvernement que pour les Nations unies.
La Commission nationale consultative des droits de l'homme a également recommandé, dans son avis du 10 juin 2010 sur la réforme de la procédure pénale, de généraliser l'obligation d'enregistrement des auditions à l'ensemble des personnes interrogées, y compris lorsque l'avocat est présent.
Nous espérons, monsieur le garde des sceaux, que notre discussion se terminera par un geste positif de votre part.