Monsieur le ministre, on entend beaucoup de compassion, et même de commisération dans vos propos, mais, à l'arrivé, il n'y a pas beaucoup de partage de nos propositions. C'est dommage, car le ton y est. Mais vous êtes centriste : le passage à l'acte vous pose toujours problème. (Rires.) Pour la mélodie, ça va ; pour les paroles, c'est plus difficile.
L'article 9 vise à encadrer les mesures de sécurité pouvant être imposées aux personnes gardées à vue.
L'article 63-6 du code de procédure pénal relatif aux mesures de sécurité a été complété après une discussion en commission des lois. Un nouvel alinéa a été introduit, prévoyant la possibilité pour la personne gardée à vue de demander à conserver « certains objets intimes », assortie, en contrepartie, de la signature d'une « décharge exonérant l'officier ou l'agent de police judiciaire de toute responsabilité pénale, civile ou administrative, au cas ou elle utiliserait ces objets pour attenter à sa vie ou à son intégrité physique ».
Cette disposition visait, selon le rapport de M. Gosselin, à « apporter une réponse à la difficulté soulevée par la pratique, relevée et critiquée notamment par le Contrôleur général des lieux de privation de liberté » – cela dit, ce dernier ne vous posera plus de problèmes puisque vous l'avez supprimé –, « consistant dans certains endroits à retirer systématiquement lunettes et soutien-gorge aux personnes gardées à vue, afin de prévenir tout risque d'agression ou de suicide, alors même que ce risque est en réalité infime ».
En effet, il est urgent d'empêcher les excès qui sont régulièrement relatés lors du placement en garde à vue, ainsi que les gestes humiliants, tels que le retrait des lunettes ou des appareils auditifs. Mes chers collègues, je vous renvoie à vos expériences personnelles : si vous oubliez vos lunettes, le matin, vous êtes, en quelque sorte, infirmes. La personne gardée à vue est dans la même situation, et les choses sont encore pires en cas de confiscation des appareils auditifs. Je décris des situations concrètes. Des personnes présumées innocentes sont ainsi placées en état d'infériorité et, dans certains cas, humiliées.
Toutes ces mesures sont inutiles. Il est nécessaire de mettre fin à ces pratiques sécuritaires en rétablissant une proportionnalité entre les méthodes employées et la situation à traiter. Or la terminologie adoptée pour ce faire à l'alinéa 3 de l'article 9 ne nous semble pas appropriée.
La référence au risque d'« attenter à sa vie ou à son intégrité physique » nous semble, pour le moins, décalée. Comme le souligne M. Roger Beauvois, président de la Commission nationale de déontologie de la sécurité : « Personne n'a jamais donné le chiffre des pendaisons par soutien-gorge. » Les arguments avancés nous semblent fallacieux, et il convient désormais d'être clair sur ces sujets.
Ainsi, la rédaction actuelle de l'alinéa 3 prévoit-t-elle que « la personne gardée à vue peut demander à conserver […] certains objets intimes ». Cette disposition a donc clairement un caractère facultatif. En fait, son application va dépendre de celui qui détient l'autorité ; il nous semble que, sur ce point aussi, il convient d'être beaucoup plus précis.
Comme le disait Dominique Raimbourg en parlant de la mise en oeuvre des fouilles, ce ne sont pas les fonctionnaires qui sont coupables ni les instructions données, mais l'organisation et le manque d'organisation et de consignes claires.
Monsieur le ministre, je me permets de raisonner par analogie. Dans ma ville de Montreuil, en un an, on a compté deux blessés par Flash-Ball. Tout récemment, il s'agissait un jeune de quinze ans qui, pour son malheur, déplaçait une poubelle. Comme dans la précédente affaire qui remontait à juillet 2009, le rapport montre que le Flash-Ball a été utilisé en violation des règles. Manifestement, les fonctionnaires qui ont fait usage de cette arme ne les connaissaient pas. Pourtant, ils disposaient d'un Flash-Ball et ils l'ont utilisé sur un gamin de quinze ans. Pour ce dernier, les séquelles sont irrémédiables et, alors qu'il étudiait avec ardeur, il ne peut désormais consacrer plus de trois heures par jour au travail tellement il se fatigue. On n'est même pas sûr que les multiples opérations qu'il devra subir lui permettront à terme de récupérer toutes ses facultés.
Cette fois encore, et comme le soulignait notre collègue, la règle elle-même n'est pas en cause : c'est sa méconnaissance par certains qui pose problème. La hiérarchie connaît la règle, mais la chaîne de commandement dysfonctionne sans que personne n'ait à rendre de comptes par la suite – ce qu'il faut déplorer.