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Intervention de Arnaud Robinet

Réunion du 19 janvier 2011 à 15h00
Garde à vue — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaArnaud Robinet :

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, je fais partie de ces jeunes élus qui croient en l'aventure de la construction européenne, en lui adressant parfois des critiques, mais en continuant toujours de souhaiter faire des nations européennes l'espace des libertés le plus avancé au monde.

Dans cette quête, la France, patrie des droits de l'homme, a tout son rôle à jouer. C'est un rôle de pilier, un rôle de phare qui nous est confié à nous, Français.

Pourtant, sur la question de la garde à vue, nous manquons à notre mission. Après une série d'arrêts qui visaient déjà indirectement la procédure pénale française, la Cour européenne des droits de l'homme a clairement condamné la France en octobre dernier.

De 336 000 en 2001 à 800 000 en 2009, le nombre de gardes à vue a explosé, tandis que certaines pratiques et certains actes procéduraux se sont multipliés, pas toujours à bon escient.

Il ne s'agit pas de faire ici le procès des forces de l'ordre. Les policiers, gendarmes et douaniers, exercent une mission difficile, qui est même de plus en plus dangereuse dans certaines zones du territoire. Si des abus existent, ils sont marginaux. La faute n'en revient d'ailleurs pas aux forces de l'ordre – c'est un premier élément fondamental du débat – ; le véritable responsable de cette dérive, c'est le législateur, et c'est donc lui qui doit corriger les errances d'une garde à vue qui va désormais à l'encontre des fondements mêmes de la Constitution.

Le projet de loi s'empare de certaines questions importantes : l'assistance de l'avocat dès le début de la garde à vue, les fouilles au corps et le renforcement du rôle du parquet dans le contrôle de la garde à vue. Ce dont il est question ici, c'est de l'état de droit et de la dignité humaine.

Enfin, au-delà de son caractère à tout le moins déstabilisant, le recours à la garde à vue entraîne la diffusion du sentiment d'injustice à vitesse grand V. Je me contenterai, à cet égard, de citer le rapport Léger remis au Président de la République et au Premier ministre en 2009 : « La garde à vue constitue une mesure coercitive disproportionnée pour certains délits faiblement réprimés. »

Trop nombreux sont les Français placés en garde en vue alors que les infractions qu'ils ont commises – entorses au code de la route, petits larcins – ne justifient aucunement les vexations et les humiliations qu'on leur inflige, et ne nécessitent certainement pas qu'on les prive de liberté. C'est de cela que s'inspire toute l'économie de la réforme qui nous est soumise.

Si nous avons voulu réformer la garde à vue de façon aussi déterminée, c'est aussi en raison de la décision du Conseil constitutionnel du 30 juillet dernier, en réponse à une question prioritaire de constitutionnalité. Cette saisine est une avancée pour les droits du citoyen. Grâce à lui, grâce au citoyen, le législateur est maintenant obligé d'apporter des réponses avant juillet prochain.

À nous de ne pas décevoir les Français, en conciliant les deux attentes de nos compatriotes, qui souhaitent que l'État, d'une part, leur permette de vivre en sécurité en ripostant aux menaces de la grande délinquance et du terrorisme avec les moyens qui s'imposent, et, d'autre part, garantisse les droits fondamentaux de l'individu.

En conclusion, je ne peux m'empêcher de penser au témoignage bouleversant des acquittés du procès d'Outreau. Devant la commission parlementaire qui enquêta sur ce drame, sous la conduite d'André Vallini et Philippe Houillon, ils avaient décrit la violence et l'humiliation subie lors d'une garde à vue indigne. C'est la question du principe de présomption d'innocence qui est aussi en jeu et, plus généralement, le fonctionnement de la justice, qui doit être résolument irréprochable.

Sur cette question pénale, nous avons le choix entre deux alternatives : redorer notre honneur ou basculer dans la honte. Entre les doléances pressantes dont nos concitoyens se font l'écho et les rappels insistants de la Cour de Strasbourg et du Conseil de l'Europe, la France doit réagir et corriger des injustices qui sont à la fois simples et insupportables. Gageons que de nouveaux chantiers pour l'amélioration effective des droits du justiciable ne tarderont pas à s'ouvrir.

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