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Intervention de Jean-Paul Moisan

Réunion du 12 janvier 2011 à 14h30
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique

Jean-Paul Moisan, professeur de génétique médicale, PDG de l'Institut génétique Nantes Atlantique :

Il est clair que le test ADN de paternité ne définit pas la paternité telle que nous la concevons. Je suis le père de mes quatre enfants sans éprouver le besoin de vérifier que j'en suis le père biologique. Le père, c'est celui qui s'occupe de l'enfant. Les prestations ADN que je fournis ne répondent pas à cette question-là. Les analyses que me demande la justice concernent souvent un père qui se défausse de ses responsabilités et auquel la mère demande de reconnaître ses devoirs, ou un père qui veut prouver, au moment d'un divorce, qu'il est bien le géniteur de l'enfant qu'il a élevé pour pouvoir continuer à le voir – car le droit français fait clairement appel au test ADN dans ces questions familiales. Il y a par ailleurs des cas médicaux, comme ces jeunes fiancés qui se sont rendu compte qu'ils avaient peut-être le même père naturel. Enfin, il y a les cas, que l'on voit régulièrement mais qui sont de loin les moins nombreux, des gens séparés du fait de guerres par exemple, et qui se retrouvent vingt ou trente ans plus tard – j'ai vu récemment des Cambodgiens ayant fui le génocide des khmers rouges et qui pensaient être frère et soeur.

Quant aux personnes qui ont recours aux tests sauvages, leurs motivations me semblent pour l'essentiel se ramener à un problème de liberté. Certains veulent savoir, pour des raisons qu'on ne peut pas forcément s'expliquer : il y a ceux qui ont un doute sur leur père ou leur mère, ceux qui recherchent une identité, les enfants adoptés qui veulent avoir une idée de leur origine ethnogéographique. Tel qu'ils me l'expliquent, c'est d'abord un problème de liberté individuelle – ils ont envie de savoir et estiment ne pas avoir à se justifier – et ils n'ont pas forcément d'autre raison, pécuniaire ou autre. Pour ce que j'en sais, je pense qu'il s'agit fondamentalement d'un besoin de savoir qui regarde chacun et qui n'est pas forcément amoral.

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