Monsieur Vialatte, je l'ai dit, l'ICSI est la seule technique d'AMP qui ait été pratiquée d'emblée chez l'homme, sans avoir été expérimentée préalablement. Je l'ai pratiquée en France un an après les équipes belges. Axel Kahn m'a alors reproché « d'expérimenter sur l'homme ». Mais des centaines d'enfants étaient déjà nés en Belgique de cette technique. Même si nos collègues belges avaient fait une faute éthique, ce que je ne me suis pas privé de leur dire, les résultats étaient là !
Il y a en effet eu des transmissions d'anomalies. C'est indirectement l'ICSI qui a permis de s'apercevoir que les hétérozygotes porteurs sains du gène de la mucoviscidose présentaient des anomalies de la sécrétion de mucus dans les canaux déférents, entravant l'expulsion des spermatozoïdes par ailleurs normalement produits. Nous nous sommes en effet aperçus qu'il y avait davantage de bébés atteints de mucoviscidose parmi les bébés conçus par FIV que dans la population générale : cela tenait au fait que les hommes pour lesquels il fallait recourir à l'ICSI en raison de leur stérilité ou de leur hypofertilité étaient porteurs sains du gène de la maladie. De nombreux rapports montrent que, d'une manière générale, certaines caractéristiques sont sur-représentées ou sous-représentées chez les enfants conçus par FIV. On l'a mis en évidence pour la mucoviscidose, mais il y a sans doute d'autres pathologies n'ayant apparemment rien à voir avec la procréation, qui interviennent.
Pour le reste, je pense que les lignées de cellules souches embryonnaires existantes sont déjà bien assez nombreuses pour permettre de faire de la recherche. Il n'est pas besoin d'en créer d'autres… à moins que l'on ne veuille faire autre chose que de la science.
Pour ce qui est des conflits d'intérêts, monsieur Nesme, il est évident que lorsque des personnes ont monté des start-up, passé des contrats notamment avec des firmes, américaines en particulier, dans le but d'obtenir des brevets, elles ont un conflit d'intérêts lorsqu'elles viennent vous demander de développer ces technologies à échelle industrielle. Il faudrait expertiser ces conflits d'intérêts. À ma connaissance, ils ne l'ont pas été jusqu'à présent.
Monsieur Touraine, il existe aujourd'hui des modèles animaux pour toutes les maladies, génétiques en particulier. Si la loi disait qu'il faut préalablement mener des recherches sur l'embryon animal, l'Agence de la biomédecine pourrait vérifier qu'il en a bien été ainsi et ne délivrer d'autorisation pour un passage à l'humain qu'après qu'aurait été démontré quelque chose sur l'animal avant. Elle serait là pleinement dans son rôle quand elle ne l'est pas tout à fait lorsqu'elle « oriente » la loi.
Il ne faut pas se priver des propriétés uniques des cellules souches embryonnaires. Certes, mais ce n'est pas une raison pour mener aujourd'hui des recherches sur ces cellules. Commençons par faire des recherches sur les cellules embryonnaires animales.