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Intervention de Yves Bur

Réunion du 11 janvier 2011 à 17h30
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYves Bur, rapporteur :

Les cours de justice sont le résultat d'une histoire. La Cour de justice de l'Union européenne a vocation à intégrer le droit européen dans le cadre de l'Union européenne mais pas au-delà de ses frontières. La Cour européenne des droits de l'homme a vocation à imposer le respect de la Convention européenne des droits de l'homme dont elle est issue. On ne peut pas réunir les deux cours parce qu'elles ne jugent pas la même chose. La Cour de justice de l'Union européenne est compétente pour l'application du droit européen aux vingt-sept Etats membres, la Cour européenne est compétente pour l'application de la Convention aux quarante-sept Etats membres du Conseil de l'Europe.

Il faut faire en sorte que la Cour européenne de Strasbourg soit la Cour européenne pour tout les droits communs à la CEDH et à la Charte, le « coeur » des droits fondamentaux, et que la Cour de justice de Luxembourg le soit pour l'interprétation du droit de l'Union européenne et des droits propres liés à la Charte des droits fondamentaux.

Il y a aujourd'hui une bonne entente entre les deux cours. J'ai ainsi pu constater sur le terrain que leurs relations étaient harmonieuses grâce à la prééminence reconnue à la jurisprudence de la Cour de Strasbourg sur les droits et principes communs à la Charte et à la CEDH. Il y a une sorte de « gentlemen's agreement » entre les deux cours pour reconnaître cet état de fait, l'avenir seul pouvant nous dire si ces bonnes pratiques doivent être formalisées dans des textes.

Le vrai problème est de limiter l'embouteillage des 120.000 affaires en cours devant la Cour de Strasbourg et peut-être faudra-t-il créer une structure préalable pour examiner la recevabilité d'un certain nombre de droits ou mettre en oeuvre une automaticité dans le traitement d'affaires répétitives. Les procédures devant la Cour de Strasbourg sont de plus en plus lentes, nourrissant un stock énorme d'affaires pendantes. La Cour de Luxembourg atteint au même moment la limite de ses capacités avec environ 750 jugements par an. Ce risque d'asphyxie pose évidemment la question des moyens accordés aux deux juridictions.

Une autre vraie question est celle de l'Agence européenne des droits fondamentaux. Je me suis rendu à Vienne avec une solide méfiance à l'égard de cette énième Agence. Or paradoxalement, les jugements sévères exprimés par les politiques sont en totale contradiction avec l'expérience des techniciens, tant les experts de l'Agence que les acteurs du Conseil de l'europe, comme le Commissaire aux droits de l'homme, qui m'ont décrit le fonctionnement harmonieux de leur coopération et ont salué la qualité du travail de l'Agence.

Il faudra évidemment se poser la question de la multiplication des agences de l'Union européenne qui représentent globalement un budget de 600 millions d'euros, et il serait important que la Cour des comptes européenne se préoccupe du fonctionnement et de l'utilité de « l'agenciarisation » de plusieurs sujets.

En revanche, il me paraît délicat de réclamer la suppression de l'Agence, d'autant plus qu'il s'agit de droits de l'homme. Il faut plutôt veiller à organiser un travail plus étroit entre les organes, l'Agence permettant à bien des égards de suppléer aux moyens qui manquent au Conseil de l'Europe. Les ressources de l'Agence vont d'ailleurs se stabiliser après leur montée en puissance entre 2007 et 2012. Il faut instaurer un partenariat actif entre les deux institutions pour permettre à l'Agence de venir en appui du Conseil de l'Europe avec sa force de frappe financière. Cette complémentarité peut seule justifier le maintien de l'Agence, mais il ne faut pas oublier que les Etats n'en sont pas au point de donner directement de l'argent au Conseil de l'Europe.

Concernant l'adhésion de l'Union européenne à la Convention européenne des droits de l'homme, le processus va être extrêmement lent car, si l'Union européenne a défini très rapidement son mandat de négociation, la négociation va prendre du temps du côté du Conseil de l'Europe. La ratification ensuite par chaque pays risque d'être l'occasion pour certains d'entre eux de négocier sur d'autres sujets connexes à la Convention européenne des droits de l'homme.

Je propose aussi que l'Union européenne ne se substitue pas aux Etats membres et que, dans le Comité des ministres où elle disposera d'un siège et d'un droit de vote, elle n'utilise ce droit que quand il s'agit du droit européen mais ne le revendique pas quand il s'agit de l'analyse des droits nationaux.

Le Président Pierre Lequiller. Je vais essayer de faire une proposition de compromis pour nos conclusions, prenant en compte les points de vue de chacun, notamment celui de Jean-Claude Mignon, différent de celui de notre rapporteur, sachant que les conclusions proposées par le rapporteur soulignent déjà les réserves sur la création de nombreuses agences, insistent sur les doubles emplois et vont ainsi dans le sens des préoccupations de Pascale Gruny et Jean-Claude Mignon. Le sens du rapport d'Yves Bur est de constater qu'une complémentarité s'est créée et que l'Agence est utile et très utilisée par le Conseil de l'Europe.

Pour concilier les points de vue, je propose qu'au point 8 sur le danger de chevauchement des activités, on insère, après « qu'il est par conséquent essentiel », les mots suivants : « , si l'Agence est maintenue dans l'avenir, ce qui mérite réflexion, ».

On observe ainsi le fonctionnement actuel, qui semble aller dans le bon sens mais on introduit l'idée que la question du maintien de l'Agence ne peut être éludée et doit donc être examinée à la lumière de l'expérience.

Je précise par ailleurs que j'ai demandé à Yves Bur de faire ce rapport à la demande de Jean-Claude Mignon quand il est entré à la Commission.

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