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Intervention de François Pérol

Réunion du 12 janvier 2011 à 11h45
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

François Pérol, président de la Fédération bancaire française :

Avant de répondre de façon détaillée à vos questions, monsieur le président, permettez-moi de les replacer dans un contexte plus général, en commençant par rappeler les données relatives à l'épargne réglementée.

L'encours de cette épargne s'élevait, à la fin de novembre 2010, à 259 milliards d'euros, dont 192 milliards pour le Livret A et 67 milliards pour le Livret de développement durable – LDD –. Il était de 256 milliards d'euros en janvier 2009.

À la fin de 2009, les fonds centralisés représentaient 169 milliards d'euros. Les prêts au logement social et les prêts pour la politique de la ville s'élevaient respectivement à 99 milliards et à 14 milliards d'euros. La réserve de liquidité, c'est-à-dire la différence entre le montant de ces prêts et celui des fonds centralisés représentait donc 56 milliards d'euros, soit près de 50 % du total des prêts.

Les réemplois, sous forme de prêts aux PME et pour les économies d'énergie, s'élevaient, toujours à la fin de 2009, à 228 milliards d'euros, montant qui dépasse de beaucoup le respect de l'obligation de réemploi auquel les banques sont astreintes.

Au total, le financement du logement social est aujourd'hui très largement assuré par les fonds centralisés à la Caisse des dépôts. Il est du reste garanti par la loi, qui dispose que ces fonds doivent représenter au minimum 160 milliards d'euros et représenter au moins 125 % du montant des prêts pour le logement social et la politique de la ville. Le groupe BPCE, que je dirige, connaît bien cet enjeu puisqu'il est le premier financeur privé du logement social. Ce financement est selon nous assuré à la fois par les textes et dans les faits, la réserve de liquidité avoisinant actuellement 50 % du total des prêts.

En deuxième lieu, les banques assurent leur mission de financement des PME. Le ratio entre l'encours total de prêts – 228 milliards d'euros – et l'encours des Livrets A et des LDD non centralisés s'élève 266 %. L'obligation d'utiliser ces fonds pour le financement des PME est donc largement respectée par les banques.

En troisième lieu, nous devons raisonner dans un contexte qui a connu de profonds changements depuis 2008 et qui en connaîtra encore lorsque les nouvelles règles de liquidité seront imposées aux banques. Ces règles visent un triple objectif.

D'abord, faire en sorte que les banques soient plus liquides, c'est-à-dire détiennent davantage d'actifs liquides dans leurs bilans – cette réserve étant essentiellement fondée, dans le dispositif que les régulateurs mettent en place, sur la détention de titres d'États de l'OCDE.

Ensuite, exiger des banques qu'elles financent davantage leurs activités à partir des dépôts, ce qui les incitera fortement à développer la collecte d'épargne figurant au bilan, dite épargne bilancielle, afin que leurs coefficients emplois-ressources se rapprochent le plus possible de 100 %. Alors qu'elles accordent actuellement plus de crédits qu'elles ne collectent de dépôts, la nouvelle réglementation poussera les banques à atteindre un équilibre leur permettant d'être moins dépendantes des marchés et d'y rechercher moins de financements. C'est un point important car la partie centralisée de l'épargne des Livrets A ne figure pas, par définition, au bilan des banques. L'intérêt de ces dernières est donc que la partie non centralisée soit la plus importante possible.

Enfin, inciter les banques à être financées plus « long » et à moins pratiquer la « transformation », ce qui implique qu'elles privilégient les ressources longues par rapport aux ressources courtes.

Ces trois éléments vont changer assez radicalement les conditions dans lesquelles les banques exerceront leur métier. Le changement sera plus notable pour les banques françaises car celles-ci évoluent dans un contexte qui présente quelques singularités par rapport aux autres pays européens. L'épargne non bilancielle est beaucoup plus développée dans notre pays, de même que l'assurance vie et la gestion d'actifs pour compte de tiers – OPCVM –, et l'épargne réglementée est une spécificité française. En outre, dans leur modèle traditionnel de fonctionnement, les banques françaises sont « suremployées », c'est-à-dire qu'elles accordent plus de crédit qu'elles n'ont de dépôt.

C'est dans ce contexte général que s'inscrit le débat sur le taux de centralisation des ressources du Livret A. Il ne s'agit pas, pour les banques, d'aller contre les activités de la Caisse des dépôts ou contre le financement du logement social : il s'agit simplement de dire que le financement de l'économie française sera profondément modifié par les nouvelles règles internationales de liquidité.

D'où la position que nous défendons. Nous sommes tout à fait conscients de la nécessité de faire reposer le financement du logement social sur les fonds centralisés à la Caisse des dépôts à partir de la collecte du Livret A et du LDD. Nous considérons que le dispositif légal actuel garantit ce financement. Nous considérons également que la réflexion du Gouvernement, du Parlement et de la Caisse des dépôts doit impérativement prendre en compte le bouleversement prochain du contexte de financement des banques. Celles-ci ont joué le jeu lors de la réforme du Livret A mise en place au début de 2009. Il faut continuer de les inciter à distribuer ce produit en permettant qu'une partie des ressources ainsi collectées soit laissée dans leur bilan, afin qu'elles soient en mesure d'assurer le financement de l'économie comme elles le font aujourd'hui. Le nouveau contexte, en effet, amènera les banques à arbitrer systématiquement en faveur de ressources figurant à leur bilan. Le régulateur nous y contraint – nous n'avons pas le choix.

Les banques françaises souhaitent que l'on prenne en compte l'ensemble de ces paramètres. Les ressources centralisées à la Caisse des dépôts doivent permettre d'assurer le financement du logement social avec la réserve de liquidité nécessaire – 25 % en vertu de la loi, 50 % dans les faits aujourd'hui –, mais, en ce qui concerne le solde, il conviendrait de laisser les ressources à la disposition des bilans des banques.

Pour ce qui est des prêts aux PME, les taux sont fixés en fonction des conditions de marché. Ils ne font l'objet d'aucune procédure de bonification particulière, ne dépendant que du jeu de la concurrence entre les établissements et du coût général des ressources des banques.

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