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Intervention de Patrick Bloche

Réunion du 11 janvier 2011 à 21h30
Hommage de l'assemblée — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrick Bloche :

Monsieur le garde des sceaux, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, dans le peu de temps qui m'est imparti au sein de cette discussion générale, je limiterai mon propos à la situation du Défenseur des enfants, intégré ou, devrais-je dire plutôt, noyé au sein de cette nouvelle supra-entité appelée Défenseur des droits, aux côtés du Contrôleur général des lieux de privation de liberté, du Médiateur de la République, de la Commission nationale de déontologie de la sécurité ainsi que de la HALDE.

Quelles seront les conséquences immédiates si ce projet de loi est voté ? Mon propos fera suite aux observations que vient de formuler notre collègue Patricia Adam. Les enfants n'auront plus de référent dûment identifié auquel faire appel. Comme l'indique Dominique Versini : « Les enfants nous écrivent et nous envoient des e-mails parce que nous nous appelons Défenseur des enfants. Ils n'écriront pas à une superstructure qui s'appellera Défenseur des droits parce qu'ils ne comprendront pas à quoi cela correspond. »

M. Ollier cet après-midi et M. Clément à l'instant nous ont parlé de pouvoirs nouveaux, d'une place particulière octroyée en interne ou encore d'un rapport annuel spécifique. Quel intérêt, si toute visibilité, du fait de sa perte d'autonomie, même si le titre demeure, a préalablement été retirée au Défenseur des enfants ?

Le respect des droits de l'enfant devrait être un vrai combat, un objectif nous mobilisant sur tous les bancs. En tant qu'ancien président d'une mission d'information sur la famille et les droits de l'enfant, en 2006, je souhaite rappeler, devant quelques membres de cette mission, sur les bancs de la majorité comme de l'opposition, ce que notre rapporteure, Valérie Pécresse, préconisait à l'époque sur le sujet.

La mission avait formulé deux propositions majeures. La première visait à ce que le Défenseur des enfants soit, comme d'autres autorités administratives indépendantes, obligatoirement consulté sur les projets de loi concernant les enfants ou leurs droits.

La seconde tendait à ce que le Parlement se dote de délégations parlementaires aux droits de l'enfant. C'est une proposition qui mériterait plus que jamais d'être formalisée.

L'objectif était clair : étendre les missions du Défenseur des enfants. C'est ce qui devrait guider nos travaux : avancer vers toujours plus de respect des droits, et non porter des coups à la protection de l'enfance en mettant brutalement un terme à la dynamique enclenchée en 2000, année de la création du Défenseur des enfants.

En 2009, les observations rendues par le Comité des droits de l'enfant des Nations unies concluaient au besoin « de renforcer le rôle de la Défenseure des enfants et de lui allouer les ressources financières et humaines suffisantes pour qu'elle puisse s'acquitter efficacement de son mandat ». La voie empruntée aujourd'hui par le Gouvernement, noyant l'institution au sein d'un magma informe, ne concourt pas – c'est un euphémisme – à cet objectif.

Professionnels, institutions et associations mobilisés pour les droits de l'enfant en appellent à notre responsabilité collective et il est encore temps de les entendre. Ainsi, Jacques Hintzy, président de l'UNICEF France, nous a interpellés le week-end dernier en nous rappelant que « les enfants n'ont pas de représentation politique, pas de lobby. Le Défenseur des enfants est leur unique avocat. Si le texte est adopté en l'état, ils vont perdre leur seul représentant. » Vous êtes en train de démolir une institution incontournable ! C'est ce qu'ont bien compris les 80 % de nos concitoyens qui souhaitent le maintien d'une institution indépendante et identifiée, l'un ne va pas sans l'autre.

Indéniablement, la mise en place du Défenseur des droits, telle que proposée, sera considérée à juste titre comme un net recul en matière de défense des droits. Quel gâchis pour un enjeu si majeur ! Nous regrettons cette fusion à géométrie variable, créée sans consultation préalable, sans coordination et, surtout, sans vision globale des questions posées.

Le pouvoir octroyé au Défenseur des droits intuitu personæ au détriment de ses adjoints est d'ailleurs en soi un très mauvais signe, alors même que la collégialité des décisions fait sens dans ces instances. Non seulement les adjoints du Défenseur des droits seront cantonnés à des rôles de collaborateurs, mais de surcroît la consultation des collèges est rendue facultative et n'a pas, si elle est demandée, à être suivie par le Défenseur des droits, lequel n'aura pas non plus à justifier en droit ses décisions. Avouez que notre inquiétude a de sérieuses raisons de s'exprimer.

Je ne reviens pas – le temps me manque – sur la désignation du Défenseur des droits par le Président de la République, désignation qui, nous l'avons vu notamment dans le domaine de l'audiovisuel public, ne fera qu'entacher de suspicion ses décisions. Or, compte tenu des pouvoirs donnés au Défenseur des droits, placé au sommet d'une pyramide hyperhiérarchisée, statuant sur des sujets extrêmement sensibles,…

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