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Intervention de Jean-Jacques Urvoas

Réunion du 11 janvier 2011 à 15h00
Hommage de l'assemblée — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Jacques Urvoas :

Dois-je ajouter que la France, membre de l'Union européenne, avait choisi, en 2004, de créer une Haute autorité chargée de lutter contre les discriminations ? Oh, ce n'est pas parce qu'elle trouvait que cela manquait. C'était uniquement pour se conformer à la directive du 29 juin 2000 relative à l'égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d'origine.

Pascal Clément, alors rapporteur du texte, écrivait, le 22 septembre 2004, que cette autorité spécifique « venait utilement enrichir notre arsenal juridique ». Vous parliez d'or, cher collègue. Il faut, en effet, une institution autonome et indépendante. Or, voilà que, sept plus tard, vous vous apprêtez à biffer cette institution dont vous vantiez les mérites.

En contradiction avec les promesses du Gouvernement, avec vos écrits, monsieur le ministre, et avec les traités internationaux, ce texte cumule bien des renoncements, lesquels ne concourent certainement pas à son efficacité.

En effet le mode de gouvernance a déjà été dénoncé. J'y reviens brièvement pour regretter qu'il ne garantisse pas la collégialité. Il y a certes des collèges mais le Défenseur fera ce qu'il veut. Qu'il les réunisse ou non, que ces derniers émettent des avis ou non, ce sera pareil. Une collégialité factice n'est pas une collégialité. On ne peut parler en l'espèce de collèges, simplement d'organes consultatifs.

Vous avez, dans ce domaine, dégradé le travail du Sénat. Les adjoints, rebaptisés collaborateurs par le ministre, seront effectivement utilisés comme des collaborateurs. Le Défenseur les utilisera ou non. Il fera ce qu'il veut.

Il y a une espèce de confiance – assez touchante d'ailleurs – en l'homme ou la femme providentielle capable, du fait de sa seule volonté, de renverser des montagnes. C'est une attitude très française. Mais il n'est pas du tout certain que cette confiance induise un mode de gouvernance adapté au domaine qui nous occupe. J'ai plutôt tendance à y voir une transposition du bonapartisme dans le champ des droits fondamentaux. Et je doute que ce soit la bonne voie.

La probable inefficacité du Défenseur tient aussi à la monstruosité bureaucratique que vous allez créer. Comment pourra-t-il répondre à l'afflux de sollicitations, désormais directes, dont il ne manquera pas de faire l'objet ?

On cite souvent, comme modèle de réussite, le Défenseur du peuple espagnol. Mais on oublie de préciser que celui-ci ne traite qu'un nombre très limité d'affaires. Les communautés autonomes disposent de défenseurs régionaux, sans lien hiérarchique avec le Défenseur national, et ce dernier ne voit qu'une partie infime des dossiers traités par ces défenseurs régionaux.

Notre pays compte 65 millions d'habitants. Comment le Défenseur des droits pourra-t-il faire face à la vague de demandes qui ne va pas manquer de le submerger ?

Rien n'est précisé, dans votre texte, sur les réseaux dont disposaient les autorités qui vont être sacrifiées.

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