Monsieur le garde des sceaux, tout d'abord, je tiens à vous dire que nous sommes satisfaits de voir qu'il y a au moins un membre du Gouvernement qui soutient les magistrats et qui ne passe pas son temps à dévaluer leurs fonctions, à les dénigrer et à afficher ses préférences pour la police.
Deuxième point : ce qu'a dit M. Dosière est en parfaite cohérence et en liaison directe avec ce que nous avons défendu dans notre motion de rejet préalable du projet de loi organique. En effet, très argumentée et présentée avec talent, sa lamentation devant la lente agonie du comité d'évaluation prouve à l'évidence que la loi constitutionnelle que l'on a voulu nous faire voter à Versailles n'était qu'un leurre. En fait, le Parlement est toujours considéré comme une armée des ombres, chargée seulement d'enregistrer des décisions qui sont déjà prises par le pouvoir. Sans faire référence à l'actualité, je rappelle que plusieurs décisions d'envoyer nos troupes à l'extérieur ont été prises sans l'accord du Parlement : on nous a seulement permis d'en débattre.
Il y avait pourtant un progrès manifeste dans la création d'outils de défense des droits et des libertés, en particulier le Défenseur des enfants et la CNDS. Nous sommes un certain nombre ici, de droite comme de gauche, à avoir éprouvé l'efficacité de la CNDS, notamment grâce à son indépendance. Elle a permis de faire comprendre à l'opinion française qu'il y avait un problème dans les rapports de la police aux citoyens, à savoir une entrave aux fonctions régaliennes de l'État dans le maintien de l'ordre public. La CNDS a aussi, avec le contrôleur général des prisons, mis le doigt sur les difficultés de la vie en prison, une vie exclue du droit commun.
En outre, M. Dosière, qui a participé à ce comité d'évaluation avec M. Vanneste, a pu faire du droit comparé, c'est-à-dire regarder ce qui se passe dans d'autres pays. Monsieur le garde des sceaux, vous pourrez dire à votre collègue chargé des relations avec le Parlement qu'en 1978, M. Franco n'était plus au pouvoir et que c'est un gouvernement démocratique qui a mis en place el Defensor del Pueblo, le Défenseur du peuple, qui, lui, bénéficie de vrais moyens et d'un statut qui assure son indépendance. Que demandait René Dosière ? Que demandions-nous en commission des lois ? Que les outils permettant d'assurer son indépendance soient donnés au Défenseur des droits, et que ses adjoints soient nommés par l'Assemblée nationale et par le Sénat à la majorité des trois cinquièmes pour qu'ils puissent se soustraire à la relation de dépendance d'un homme ou d'une femme nommé directement par le Président de la République.
Je le dis donc avec solennité, au nom du groupe auquel j'ai l'honneur d'appartenir : nous déplorons ce qui n'est qu'un leurre, cette dérive, ce recul pour les droits et les libertés. Nous voterons donc évidemment la motion de rejet préalable présentée par notre collègue Dosière.
Ce texte, lui aussi, est une occasion manquée. Il était en effet possible de trouver un compromis entre la droite et la gauche sur une question essentielle qui concerne les Français au quotidien.Marie-George Buffet le soulignait dans les explications de vote sur la motion de rejet du projet de loi organique : quand une certaine catégorie de Français est dans une telle situation d'injustice sociale, d'inégalité, de sentiment de déclassement, en butte au mépris, il faut renforcer les outils qui lui permette de se défendre. Or au contraire, les dispositions proposées les placent dans une situation de soumission, ce qui n'est pas acceptable. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)