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Intervention de Catherine Coutelle

Réunion du 11 janvier 2011 à 15h00
Hommage de l'assemblée — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCatherine Coutelle :

M. Clément vient de nous dire que nous avions des raisons d'être inquiets. La loi organique portant sur le Défenseur des droits a attendu deux ans et demi. Il est dommage que vous n'ayez pas mis ce délai à profit pour essayer de rédiger un texte consensuel.

En partant d'une idée qui aurait pu être bonne, vous parvenez à mobiliser contre vous toutes les autorités administratives concernées et l'ensemble des associations. Sa traduction législative inquiète en effet d'autant plus que la commission des lois de l'Assemblée a supprimé des avancées obtenues par le Sénat. Ainsi, le Défenseur des droits, qui devait réunir trois autorités indépendantes, en regroupera finalement cinq. De surcroît, ce regroupement n'atteint aucun des buts que l'on pouvait se fixer : non seulement il dégrade les droits des citoyens, mais il n'améliore ni la visibilité, ni l'efficacité et les moyens, ni l'indépendance de l'institution.

Tout d'abord, votre texte risque de faire perdre aux autorités la visibilité qu'elles avaient réussi à conquérir. Sur ce point, la critique la plus vive, et je la reprends à mon compte, émane de la Défenseure des enfants, qui craint d'être noyée et de devenir inaccessible aux enfants, qui, actuellement, la connaissent et la saisissent facilement. UNICEF France nous a, du reste, tous alertés à ce sujet.

Ensuite, le texte n'améliore pas l'efficacité de l'institution. Le nombre des saisines – 55 000 – a fortement augmenté, prouvant ainsi que les Français savent à qui s'adresser. Face aux discriminations, aux injustices, aux abus, nos concitoyens attendent une écoute et des réponses rapides. « Les discriminations sont telles dans notre pays […] que cela justifie bien d'avoir quelqu'un dont l'unique mission est l'égalité », déclarait l'ancienne présidente de la HALDE. Or, les moyens et le mode de fonctionnement prévus dans le texte nuiront à l'efficacité de l'institution. J'ajoute, car personne n'a évoqué ce sujet, que les représentants du Médiateur et de la HALDE dans les départements s'interrogent sur leur indépendance et sont très inquiets du caractère facultatif de leur nomination.

Enfin, la principale critique que l'on peut adresser à ce texte a trait précisément à l'indépendance. Nommé par le Président de la République, le Défenseur des droits perd en effet toute indépendance, quoi qu'en dise le Gouvernement. Les autorités actuelles sont, quant à elles, de réels contre-pouvoirs. Mais peut-être est-ce là que le bât blesse, car on ne peut s'empêcher de penser que leur liberté d'investigation, leurs propositions, leurs dénonciations de la politique toujours plus sécuritaire menée par le Gouvernement gênent celui-ci, qui veut les mettre au pas en les fusionnant. N'ont-elles pas dénoncé notamment l'état lamentable des lieux privatifs de liberté, les tests ADN, les rétentions abusives, en particulier d'enfants, les gardes à vue dégradantes, l'usage du Taser, les discriminations pratiquées dans les banques ? Qu'en sera-t-il, demain, quand le Défenseur des droits sera nommé par le Président de la République et quand ses adjoints, qui se substitueront aux autorités actuelles, seront de simples collaborateurs dont il pourra ne pas tenir compte des avis ? C'est une régression démocratique majeure !

Cette réforme, qui est une belle idée gâchée, marque un recul majeur de la protection des libertés. C'est la raison pour laquelle nous demandons son rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

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