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Intervention de Yann Maus

Réunion du 22 décembre 2010 à 10h00
Commission des affaires économiques

Yann Maus, président de la société Fonroche :

Je suis président, fondateur et principal actionnaire de Fonroche, ainsi que fondateur de l'Association des industriels français du photovoltaïque (AIFP), qui regroupe une trentaine d'industriels dont une dizaine d'assembleurs de modules. Les entrepreneurs que je représente sont tous actionnaires de leur entreprise.

Nous avons cru, en 2006, au discours dans lequel M. Sarkozy a proclamé qu'il fallait créer l'industrie photovoltaïque et lancer la croissance verte, censée employer des centaines de milliers de personnes. Nous avons investi des dizaines de millions d'euros – 40 pour Fonroche, qui représente une capacité de 90 mégawatts, l'une des premières de France. Cette société a mis en place des lignes d'assemblage automatisées, ce qui ne l'a pas empêchée de créer 300 emplois en parallèle. Nous comptons sur elles pour soutenir la concurrence des produits d'importation et compenser nos coûts de production induits par des salaires, des normes environnementales, des taxes et un accès au financement très différents de ceux que l'on rencontre en Chine.

L'an prochain, l'industrie photovoltaïque française produira presque un gigawatt. Alors que nous avons tous investi et que nous sommes en train de doubler, voire de tripler nos outils, le décret du 9 décembre anéantit deux ans et demi de travail. Il introduit en outre un climat de suspicion vis-à-vis des banques auprès desquelles nous aurons certainement beaucoup de mal à nous refinancer dans les années à venir, faute d'une visibilité du marché.

Il est inadmissible que des décisions prises dans l'urgence puissent saborder tant de travail ! Notre carnet de commandes ne compte plus que 90 mégawatts sur les 230 qui étaient prévus fin octobre. Nous avions atteint ce chiffre grâce aux efforts des commerciaux et des bureaux d'études, qui représentent aussi beaucoup d'argent. Comment accepter qu'un tel investissement soit compromis par une réaction hâtive, désordonnée et brouillonne ?

Nous pensons que l'industrie photovoltaïque française peut être compétitive de manière durable. Après avoir mené à bien une première étape, tournée vers l'assemblage de modules ou l'encapsulation, nous sommes passés à la deuxième étape, qui porte sur la fabrication des cellules. Aujourd'hui, la France compte cinq projets. Chacun représente une production de 120 mégawatts, pour un investissement moyen de 80 millions d'euros. L'un est porté par MPO, le fondeur de disques, l'autre par MX et Fonroche. Au total, en 2011 et 2012, 400 millions d'euros doivent être investis pour répondre aux capacités. Nous savons être compétitifs sur le marché français, en Europe et à l'export. Il nous faut simplement un marché stable et pérenne. C'est à cette seule condition que les groupes du CAC 40 investiront pour implanter des usines en France. Une meilleure visibilité nous permettrait de créer des dizaines de milliers d'emplois. Il ne s'agit pas d'un problème de technologie. Celle sur laquelle nous travaillons, qui est standard, ne le cède en rien à celle des Chinois ou des Allemands. L'important dans notre métier est la capacité à se financer. Les banquiers ne nous suivront pas si le marché est continuellement désorganisé. Or ils ont si peur aujourd'hui qu'ils répugnent. C'est dire dans quelle incertitude le décret a plongé les investisseurs !

Nous comprenons l'affolement de l'État. Mais, s'il est incapable de financer l'augmentation globale de 5 gigawatts intervenue depuis deux ans et demi, c'est qu'il a mal géré le dossier. La filiale de l'électricien national représente 35 % de la totalité des propositions techniques et financières (PTF) et des demandes de raccordement. Il faut donc arrêter de stigmatiser la filière en accusant à tort ceux qui la font vivre d'être des spéculateurs. Nous sommes des industriels, et le premier à avoir spéculé – d'une manière que je juge peu correcte – a été EDF-EN.

Si l'on veut créer une filière en France, il faudra, à l'avenir, lancer des appels d'offre sur des droits à produire du photovoltaïque. Telle est la proposition de l'AIPF. Un droit à faire devra être distribué en échange d'une création d'emplois en France. Nous proposons un système comparable à celui des concessions d'autoroutes. Si le Gouvernement se fixe un objectif de production, par exemple de 500 mégawatts, il lancera un appel d'offres, et sélectionnera ses fournisseurs en fonction du prix, du contenu technologique et d'un engagement en matière de développement durable – recyclage des panneaux, bilan carbone – et de la création d'emplois. Dans ce domaine, nous pouvons formuler des propositions en conformité avec les directives de Bruxelles.

Aujourd'hui, l'économie est devenue une guerre au niveau mondial. Les Chinois et les Américains sont plus protectionnistes que nous. Que les hommes politiques cessent de nous répéter qu'on ne peut rien faire à cause de Bruxelles ! On peut agir : le tout est de faire du protectionnisme intelligent.

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