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Intervention de Patrick Braouezec

Réunion du 21 décembre 2010 à 15h00
Projet de loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrick Braouezec :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, présenter ce texte quelques jours avant les fêtes de Noël, c'est faire aux Français un bien mauvais cadeau.

Il révèle une ligne politique particulièrement inquiétante et relaie un discours politique belliqueux : utilisant la figure du délinquant pour entretenir le fantasme de l'ennemi intérieur, il assimile, corrélativement, tout acte de délinquance à une atteinte à l'État.

J'avais dénoncé, lors de l'explication de vote portant sur le projet de loi « Immigration, intégration et nationalité », au mois d'octobre dernier, le fait que ce texte instaurait des régimes d'exception permanents à l'encontre des étrangers et des migrants. Aujourd'hui, la loi de programmation pour la sécurité intérieure vient y ajouter des mesures dérogatoires au droit commun qui deviennent ainsi la norme et s'appliquent à tout le monde.

Ces mesures, ce sont des dispositifs de fichage étendus et surtout interconnectés ; c'est une surveillance accrue, avec la vidéoprotection installée pratiquement dans tout l'espace public, avec la surveillance des utilisateurs des nouvelles technologies sans que ceux-ci en soient informés ; c'est plus de contrôle social, avec l'instauration d'un couvre-feu pour les mineurs, sans oublier pour eux la procédure proche de la comparution immédiate devant le tribunal pour enfants ; c'est l'enfermement ou le placement sous surveillance électronique des étrangers auxquels est notifiée une obligation de quitter le territoire français ; c'est l'expulsion arbitraire sous quarante-huit heures demandée contre les squatters, les occupants de bidonvilles ou d'un habitat choisi ou considéré hors normes, alors qu'il vaudrait mieux mettre en oeuvre la loi DALO.

Ce sont encore les mesures de dépistage obligatoire du sida, qui risquent de mettre à mal l'ensemble des politiques de prévention, ou la création d'un régime d'impunité judiciaire pour les agents de renseignement, leurs sources et leurs collaborateurs lorsqu'ils utilisent une identité ou une qualité d'emprunt.

Tout ceci constitue un réel dispositif répressif et montre bien quelles sont les valeurs de ce Gouvernement.

Pour couronner le tout, on assiste, sur certains plans, à un renforcement de la privatisation du domaine public.

Il y aurait encore beaucoup à dire sur ces quarante-huit articles qui constituent un agrégat hétéroclite de dispositions techniques et sur l'aspect particulièrement illisible que revêt cet assemblage. Cela a été dénoncé plusieurs fois, aussi bien en commission des lois que lors des débats dans l'hémicycle mais, comme à l'accoutumée, le Gouvernement fait la sourde oreille ; vous passez en force, avec parfois des arguments bien peu recevables.

Avec ce énième projet sur la sécurité, le Gouvernement cherche essentiellement à se protéger de ceux qu'il craint et sur lesquels il porte un regard biaisé par la suspicion ; ce faisant, il préfère mener une guerre contre les plus précaires, les démunis, les étrangers plutôt que de s'attaquer à la question sociale.

La liste exhaustive des prétendues menaces intérieures et extérieures présentées dans l'exposé des motifs révèle une conception fantasmée de la société réelle. Ce projet de loi permet de penser que ce Gouvernement préfère obérer les mutations importantes de notre société et, aveugle qu'il est, régler les problèmes à coups de lois répressives qui ne font qu'accroître les ségrégations et les injustices sociales.

On ne le dira jamais assez : avec ce projet qui limite les libertés publiques et individuelles, la fonction du droit n'est plus de changer le système juridique ou même de l'améliorer, mais d'être un instrument de répression politico-idéologique et de remise en cause des droits politiques et civiques.

Chaque fois, sous prétexte de lutter contre la criminalité, de protéger les citoyens ou de créer les conditions du bien-être général, c'est l'insécurité sociale qui s'aggrave et ce sont les principes démocratiques qui se réduisent comme peau de chagrin.

Ce projet s'annonce inefficace du point de vue des fins qu'il prétend atteindre, mais très efficace au regard de ses fins réelles : il prépare une société du contrôle où chacun est potentiellement coupable et l'ennemi du voisin.

Force est de constater que nous ne sommes pas loin de la légitimation de l'état d'exception mis en place contre les citoyens.

Pour toutes ces raisons, et parce que le groupe GDR ne peut s'inscrire dans le projet de société que le Gouvernement cherche à imposer coûte que coûte, quitte à frôler l'inconstitutionnalité, notre groupe votera contre ce texte. Une autre politique de la sécurité citoyenne est possible ; elle reste à faire. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

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