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Intervention de Anne Lauvergeon

Réunion du 14 décembre 2010 à 18h00
Commission des affaires économiques

Anne Lauvergeon, présidente du directoire d'AREVA :

Je remercie Claude Gatignol pour son hommage.

Un salarié d'AREVA, Daniel Larribe, et sa femme ont été enlevés au Niger en même temps que cinq salariés de Vinci. Il ne se passe pas un jour sans que nous pensions à eux. Nous avons pris la décision, avec les familles, de ne pas en parler publiquement. Certains ont dit que je manquais de compassion parce que je n'allais pas pleurer à la télévision ; je pense quant à moi que la compassion peut s'exprimer autrement.

Quid de MHI après leur sélection puis leur report ? Il est vrai que c'est un partenaire important, avec lequel nous développons le réacteur ATMEA1 et avons monté une joint venture sur le combustible – uranium et MOX – au Japon. Nous avons une relation solide, même si nous restons concurrents par ailleurs. J'espère que ces évènements n'affecteront pas notre relation.

Pour ce qui est de Georges Besse II, le marché va croître. Nous visons donc un développement de notre part de marché. Nous avons d'ailleurs pensé ce matin qu'il serait préférable de parler désormais du Technoparc et non plus du site de Tricastin.

Je n'ai en effet pas parlé du creuset froid, innovation qui est le fruit de vingt-cinq ans de R&D et nous permet de prendre une longueur d'avance sur tout ce qui est recyclage des déchets.

Nous espérons bien décrocher de nouveaux contrats sur le site de la Hague : nous sommes en discussion avec de nombreux pays.

J'en viens aux capacités de Saint-Marcel. Nous sommes capables – et c'est une originalité – de fabriquer les équipements de nos centrales. Nous avons en effet repris la forge du Creusot et avons commencé à la moderniser pour qu'elle puisse à terme forger les grosses pièces du réacteur EPR que nous commandions jusque-là au Japon. Cependant, EDF a beaucoup diversifié ses fournisseurs, ce qui est un peu inquiétant pour Saint-Marcel comme pour le Creusot. Un appel d'offres pour 44 générateurs de vapeur a été lancé. Nous verrons à cette occasion si le pari industriel que nous avons fait est le bon…

Nous avons en effet des concurrents partout pour l'uranium. Nous restons à ce jour le premier producteur mondial, et ce dans des conditions éthiques irréprochables.

L'absence d'Europe est un vrai problème : nous avons encore vingt-sept politiques énergétiques. La politique énergétique européenne n'en est qu'à ses balbutiements alors que nous en aurions terriblement besoin – car face à nous il y a une politique américaine, une politique chinoise, une politique russe et une politique indienne !

M. Gaubert m'a interrogée sur le pacte d'actionnaires conclu avec la Kuwait Investment Authority (KIA). Ce pacte a été conclu entre l'État et KIA, qui détiendra 4,8 % du capital. KIA est pour nous une très belle signature : non seulement elle investit sur le très long terme, mais le Koweït a un programme nucléaire.

Nous avons des certificats d'investissement, issus de la fusion historique. L'État a décidé de les mettre en Bourse avant le mois de juin, ce qui assurera une liquidité et permettra, Madame Massat, de développer un actionnariat salarié.

Nous consacrons l'équivalent de 10 % de notre chiffre d'affaires à la R&D, y compris pour les énergies renouvelables. Au total, nous avons déposé 8 000 brevets et mis au point 1 900 inventions depuis la création du groupe. Nous avons lancé en 2005 une politique de stimulation de l'innovation, avec des projets clés portés par les entités du groupe. En ce qui concerne les énergies renouvelables, nous sommes en plein développement : nous avons acquis cette année – pour environ 200 millions d'euros – la société Ausra, spécialisée dans l'énergie solaire. Nous développons également de la R&D avec le CEA, mais aussi – par exemple – avec l'Institut solaire du Rajasthan, province indienne qui bénéficie du meilleur ensoleillement au monde !

En ce qui concerne la biomasse, nous ne nous sommes pas investis sur les fermentescibles – nous ne pouvons pas tout faire – mais nous essayons de développer les partenariats avec les grands organismes de recherche, à commencer par le CEA, devenu Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives. Pour nous, les énergies renouvelables ne sont pas que du « politiquement correct » !

Quant à savoir s'il y aura des avenants au contrat avec les Émirats, c'est à KEPCO qu'il faudrait vous adresser…

Notre gamme de produits est-elle trop restreinte ? La question me fait sourire, car lorsque nous avons lancé les réacteurs ATMEA1 et KERENA, nous avons été sévèrement critiqués, y compris par l'État – nous devions, disait-on alors, nous concentrer sur la technologie EPR. Nous sommes aujourd'hui les seuls à avoir trois réacteurs de génération III + prêts. Il est vrai que tout réacteur doit être certifié par l'Autorité de sûreté, ce qui revient extrêmement cher, et qu'il faut être sûr d'avoir des clients. On ne peut donc étendre la gamme à l'infini.

Quant aux conditions auxquelles le Qatar serait prêt à entrer dans le capital d'AREVA, je ne connais que celles relayées par son banquier-conseil – coter l'uranium largement et pouvoir devenir un investisseur direct dans l'uranium – que vous avez reçu ici, et dont il ne m'appartient pas de commenter les propos.

Il y a déjà des certificats d'investissement cotés tous les jours, dont chacun peut se porter acquéreur.

J'en viens à la valorisation du groupe, Monsieur Tardy. À la création d'AREVA, en 2001, l'action était à 143 euros, et la moitié du sous-jacent correspondait à la valorisation de ST Microelectronics, arrêtée à 50 euros l'action. Cette dernière est aujourd'hui à 7,70 euros – le sous-jacent a donc presque disparu – et l'action AREVA à 360 euros. La valorisation ne fait donc aucun doute.

Il n'y a pas de risque sismique spécifique en Inde, Madame Massat. On peut construire des centrales nucléaires quel que soit le risque sismique, à condition de ne pas le faire sur une faille sismique – nous n'en avons d'ailleurs qu'un seul exemple, dans l'ex-Union soviétique, qui n'a pas été une grande réussite… Le site qui a été choisi en Inde ne pose pas de problème particulier. Il a été homologué par le ministère indien de l'environnement, connu pour être très exigeant.

Comme vous, je n'ai pas eu connaissance de l'intégralité du rapport Roussely, mais seulement d'une synthèse. Un certain nombre de ses quinze propositions sont de bon sens.

ST Microelectronics étant une société cotée en Bourse, je ne ferai pas de commentaire sur le sujet.

J'en viens aux retards dans les chantiers des réacteurs EPR. On peut regretter que toutes les leçons de l'expérience finlandaise n'aient pas été tirées à Flamanville. Il y a eu, c'est vrai, des difficultés avec certains sous-traitants, qui ont parfois du mal à suivre sur le plan technologique compte tenu du très haut niveau d'exigence des autorités de sûreté, que je ne remets nullement en cause. Les spécialistes du génie civil chinois semblent plus à l'aise…

Pour les grosses pièces de chaudronnerie, M. Loos peut être rassuré : nous avons entièrement confiance en l'usine du Creusot.

Que faut-il faire en matière de gestion des déchets dans les nouveaux pays nucléaires ? On ne peut envisager qu'ils construisent d'emblée l'ensemble d'une industrie nucléaire. La prolifération est basée sur deux éléments : les technologies et les matériaux. Récupérer les déchets des combustibles usés pour éviter toute utilisation autre est donc de bonne pratique. La loi du 26 juin 2006 nous empêche cependant de reprendre les combustibles usés et de garder les déchets, même de faible quantité. Faut-il arbitrer différemment ? La question est aujourd'hui posée.

Nous avons obtenu qu'Eurodif s'arrête fin 2012 et non fin 2010. C'est un soulagement pour la région et pour les salariés. Aux termes de l'accord qui a été trouvé, EDF continuera à fournir un réacteur nucléaire au lieu des quatre existants. Compte tenu des conditions économiques, nous perdrons de l'argent cette année.

Pouvons-nous vendre des réacteurs que nous ne construisons pas chez nous ? J'aurais tendance à répondre oui. C'est d'ailleurs ce que nous avons fait en Finlande. On nous a longtemps reproché d'obliger les Français à acheter avant de vendre aux autres : la démonstration est faite que ce n'est pas toujours le cas, même si nous préférerons toujours que cela passe par la « case France ». En ce qui concerne la technologie ATMEA1, le sujet reste entier.

Rappelons-le, nous sommes un fournisseur de réacteurs et de sites. Il ne nous appartient pas d'édicter la politique énergétique de la France. Je n'ai jamais fait de lobbying en faveur des réacteurs en France, et je ne le ferai jamais. Nous connaissons notre identité ; nous ne cherchons pas à faire concurrence à nos clients ; nous ne produisons pas d'électricité. À chacun son métier !

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