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Intervention de Anne Lauvergeon

Réunion du 14 décembre 2010 à 18h00
Commission des affaires économiques

Anne Lauvergeon, présidente du directoire d'AREVA :

Entre-temps, les autres n'étaient pas restés inactifs ! Du reste, au prix où cela a été pris, il n'aurait pas été raisonnable d'y aller.

Vous me dites qu'il nous faut un ensemblier pour réussir. Mais alors pourquoi réussissons-nous en Chine ou en Inde ? Arrêtons de raisonner comme si seul un électricien nucléaire au monde était capable de construire des centrales. GNPC en Chine, NPCIL en Inde, les électriciens américains, EON l'ont fait. Dans les nouveaux pays du nucléaire, il nous faut certes un électricien qui ouvre la voie, avec une autorité de sûreté et un cadre légal. La France doit donc s'organiser, s'installer, et cela de manière très anticipée. Mais dans les pays qui ont déjà du nucléaire, qui représentent 80 % du marché, c'est à la carte !

Monsieur Paul, vous avez évoqué un pôle public de l'énergie. Si nos syndicats européens disent la même chose que nous, c'est qu'ils voient le marché mondial. C'est une grande erreur d'aborder le futur avec les recettes du passé : nous ne sommes plus dans les années 1970 ! Ce sont les pays émergents qui vont faire le plus grand nombre de centrales nucléaires – et notre enjeu stratégique, c'est d'y être !

J'en viens à la Finlande. Le chantier est maintenant bien avancé, et nous avons toujours été transparents sur les retards. Nous allons construire le réacteur en sept ans et demi. Je voudrais saluer les Finlandais : aucun autre pays européen n'aurait été capable de relancer une construction nucléaire en 2004 ! C'est leur ministre de l'environnement qui a pris cette décision après un grand débat au Parlement. La Finlande est l'un des pays les plus transparents au monde, et nous sommes très heureux d'y construire le premier réacteur européen de génération III +. Je vous fais passer un document comparant les temps de construction des différentes générations de réacteurs. Pour les réacteurs de génération II (900 MW), on est en moyenne à 64 mois. Pour les réacteurs de génération II (1 300 MW), la moyenne est à 80 mois. Pour la génération II des N4, la dernière construite en France, les temps de construction ont été de 150 mois pour le premier à 103 pour le dernier. À l'export, pour les quatre réacteurs que nous avons construits en Chine, nous étions en moyenne à 63 mois. Pour OL 3, le réacteur finlandais, nous sommes à 86 mois. Pour un premier du genre, ce n'est pas si mal… Pour Flamanville, nous sommes à 71 mois, et pour Taishan 1 et 2, à 46 mois – pile à l'heure pour le premier et en avance pour le second. Jamais nous n'avions su le faire sur le parc français ! J'entends parfois que la technologie EPR n'est pas constructible, que c'est trop compliqué… Mais ce sont exactement les mêmes plans et les mêmes réalisations. J'entends aussi que le réacteur EPR est trop cher – encore une critique franco-française qui profite directement à nos concurrents – et que l'AP 1000 est plus facile à construire et moins cher. Vous trouverez une comparaison entre les deux pour la Chine sur le site internet du ministère de l'énergie chinois, le NEA, et dont il ressort que nous sommes 16 % moins chers. En tenant compte des coûts de génie civil en Chine, qui sont bien sûr inférieurs à ce qu'ils sont en Europe, l'installation du site revient à 3 milliards d'euros. J'insiste donc : passer son temps à dire que le réacteur EPR est trop cher, trop sophistiqué, qu'il faut le simplifier, c'est agir contre nos intérêts. Il est vrai que l'on peut encore optimiser et que nous avons beaucoup appris du chantier finlandais – ce dont le chantier chinois a directement bénéficié. Maintenant, nous sommes prêts pour le reste du monde !

Quant au surcoût d'un petit réacteur, il est très difficile à évaluer. Je pense qu'il faudra le construire en usine, et non pas sur les sites – ce qui devrait nous permettre des économies d'échelle.

Le coefficient d'utilisation des centrales est un élément très important de la compétitivité du nucléaire. Aux États-Unis, ce coefficient est passé de 77 % au début des années 1980 à plus de 90 % aujourd'hui. Le taux d'utilisation des centrales françaises, lui, est inférieur à la moyenne mondiale. Il y a là un formidable gisement d'amélioration du système français. Comment améliorer ce coefficient d'utilisation ? L'optimal, ce serait que les centrales ne s'arrêtent jamais. Puisqu'il faut les arrêter pour la maintenance et pour changer le combustible, il faut en tout cas que cela prenne le moins de temps possible. C'est d'ailleurs comme cela que nous sommes devenus numéro un aux États-Unis : l'accord que nous avons signé avec l'électricien nous donne un certain nombre de jours pour changer le combustible, avec un système de pénalités et de bonus. Cela se passe différemment dans le système français, où nous ne sommes pas responsables des changements de combustible et où les intervenants sont très nombreux. Les arrêts sont donc beaucoup plus longs. Nous pourrions mettre utilement à profit ce que nous avons appris à l'étranger… De même, il y a beaucoup de progrès à faire dans la chimie des circuits primaires et secondaires. Nous avons commencé à en parler avec EDF dans le cadre du partenariat stratégique. Il est en tout cas très satisfaisant pour nous de constater que l'on tire de plus en plus de capacités de nos réacteurs.

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