…et il n'y en aura pas aussi longtemps que j'exercerai mes fonctions car je crois aux fonctions régaliennes de la police. C'est donc à la police républicaine d'être renforcée et non pas à la police municipale d'exister : nous ne sommes pas des shérifs.
Reste que vous êtes là en train de dénaturer de fait le statut et le rôle à la fois de la police régalienne, républicaine et de la police municipale.
Ainsi, en vertu de l'article 32 ter du texte, les directeurs de police municipale deviendraient agents de police judiciaire sous l'autorité des seuls officiers de police judiciaire de la police et de la gendarmerie nationale. Les directeurs de police municipale pourraient dès lors constater l'ensemble des crimes, délits ou contraventions.
L'extension de la qualité d'OPJ aux membres de la police municipale soulève de nombreuses questions tenant à la formation de la police municipale pour assurer des missions régaliennes de l'État, notamment dans le domaine de la lutte contre la délinquance.
Cette extension des compétences de la police municipale, guidée par un souci de défaussement sur les collectivités territoriales, est aggravée par plusieurs dispositions du texte qui organise, par exemple, la compétence des agents de police judiciaire adjoints, parmi lesquels les policiers municipaux, de procéder à des contrôles d'identité, et non plus seulement des relevés d'identité. Il s'agit là une d'une extension extrêmement grave des pouvoirs de la police municipale, dont les missions de sécurité publique sont ici transformées en véritable mission de police judiciaire. J'alerte mes collègues de la droite parlementaire comme de la gauche qui utilisent ces polices municipales, sur le fait que cette extension a été critiquée par le Conseil constitutionnel.
Enfin, et cette mesure me touche particulièrement parce que j'avais demandé précisément, à l'occasion de la présentation d'une proposition de loi, le 3 décembre 2009, la protection du logement mobile, vous avez ajouté à l'arsenal anti-pauvres l'article 32 ter A, mesure d'exception qui bafoue les principes de la protection du domicile, des biens, de la vie familiale et privée par le juge, et donne un pouvoir arbitraire et disproportionné au préfet.
En effet, la procédure d'expulsion actuellement en vigueur en ce qui concerne les logements de fortune nécessite une décision du juge. Elle protège d'une expulsion en hiver, elle permet d'être pris en compte dans des dispositifs de relogement, voire d'hébergement. Elle doit respecter des délais et des actes de procédure délivrés par un huissier. Elle prévoit la protection des biens des personnes expulsées.
Cette nouvelle rédaction est une mesure arbitraire, car elle est justifiée par « un risque grave d'atteinte à la salubrité, à la sécurité, à la tranquillité publiques ». Vous reconnaîtrez que ces notions sont très extensibles, qu'elles sont floues et qu'elles laissent la place à toutes les interprétations. Cette disposition vise toute personne qui aura décidé en réunion – deux personnes et plus – de s'installer sur un terrain, quel que soit le propriétaire et quelle que soit la nature de la relation entre le propriétaire du terrain et les habitants. Même si un des habitants est le propriétaire du terrain, ou si l'utilisation du terrain est contractualisée avec les occupants, ou si, simplement, le propriétaire n'est pas opposé à cette installation, le préfet peut employer cette procédure d'exception dans un délai de quarante-huit heures. L'article prévoit une sanction financière pour ceux qui ne s'exécuteraient pas assez vite, ainsi que la destruction de l'habitation et des biens qu'elle renferme, sur procédure accélérée. La destruction au bulldozer et le vol des biens d'autrui sont ainsi légalisés. Cette disposition ouvre la voie à une atteinte au droit de propriété.
Cette mesure, si elle était adoptée, viendrait faciliter la destruction autoritaire des constructions que vous dites « illicites », et elle réaliserait le fameux projet de « lutte anti-cabanisation » qui avait été lancé notamment par le préfet des Pyrénées-Orientales depuis 2007. Cette disposition vise et accable les personnes les plus gravement touchées par la crise du logement. À l'opposé des politiques conduites il y a cinquante ans, elle répond par la répression et par une procédure d'expulsion expéditive à la recrudescence des bidonvilles et des formes les plus dures de mal-logement. En effet, alors que le Gouvernement prétend mettre en oeuvre le droit au logement, il n'est prévu ni relogement ni hébergement pour les expulsés. Ils doivent quitter les lieux et se rendre invisibles. Circulez, il n'y a rien à voir !
Cette mesure seule juge votre politique, celle d'un gouvernement des riches, d'un acharnement sécuritaire antipauvres.