Monsieur le ministre, le texte que vous nous proposez est un condensé de la politique que vous conduisez depuis des années. Loin de saisir l'occasion pour rectifier les orientations défectueuses qui vous conduisent à l'échec – que vous êtes désormais le seul à ne pas reconnaître –, vous ne faites que les accentuer. Vous persévérez dans l'illusion et continuez à présenter la répression comme la panacée. Toutes les occasions sont bonnes pour resserrer, obsessionnellement, les mailles du filet répressif.
Une nouvelle fois, vous ajoutez de nouveaux dispositifs avant même d'évaluer les précédents. Pourquoi ne vous demandez-vous jamais pourquoi les précédentes lois que vous avez fait adopter n'ont pas eu l'effet dissuasif escompté ?
Vous vous entêtez dans l'illusion du recours salvateur à toujours plus de technologie et de fichiers. Cette LOPPSI offre une vision caricaturale de votre fascination pour la panoplie policière. Jamais on n'aura autant vanté le déploiement tous azimuts de la vidéosurveillance, le contrôle de l'internet et la multiplication des fichiers.
Ce n'est pas le recours en soi à de tels outils qui dérange ; c'est le fait de les placer ainsi, sans retenue, au coeur de la politique menée. C'est le fait que leur usage et leur efficacité ne soient pas relativisés et qu'il n'y ait pas de mesures d'accompagnement suffisantes pour en éviter les dérives.
Vous persistez dans l'illusion de la radicalité policière, que vous prônez dans les quartiers. L'expression de la force est l'unique ressort de votre politique de sécurité. Là encore, nous ne vous faisons pas grief de la fermeté. Nous critiquons le fait que vous l'assimilez idéologiquement et principalement à du seul maintien de l'ordre. Le rétablissement de l'autorité appelle des solutions plus complexes que des déclarations de guerre, un déploiement de policiers habillés en Robocop ou la mise en pool de forces de projections.
Votre projet de loi n'est qu'un galimatias sans vision stratégique et sans moyens financiers. Il ne contient aucune perspective d'emploi.
Mme Delphine Batho a rappelé le nombre des suppressions de postes. Je citerai d'autres chiffres. Le nombre d'incorporations dans la police nationale, c'est-à-dire de personnes intégrant les écoles – je ne parle pas ici des effectifs budgétaires – a chuté de 4 300 en 2007 et 2008 à 1 500 en 2009 et 2010.
De même, pour les jeunes, notamment pour les adjoints de sécurité, les places aux concours ont fondu comme neige au soleil : on comptait 1 546 places en 2008, il n'y en avait plus que 500 en 2009, aucune cette année et il n'y en aura peut-être que 275 l'an prochain.
Ce texte n'apporte aucune certitude sur la trajectoire budgétaire qui sera suivie. Depuis cinq ans, le budget global de fonctionnement du ministère de l'intérieur subit une diminution moyenne annuelle de 8 %. Et vous réussissez la prouesse de présenter une loi qui devrait être « d'orientation » mais qui ne tient pas compte des récentes déclarations du Premier ministre sur les réductions qu'il a décidé d'imposer aux différentes administrations. Bref, cette LOPPSI est une occasion totalement manquée. C'est donc sans états d'âme que nous voterons la motion de rejet préalable défendue de belle façon, et avec la compétence qu'on lui connaît, par Delphine Batho. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)