La commission des Lois ne m'en voudra pas de m'en tenir au droit ! Cela dit, je suis preneur de moyens, puisqu'une réforme ne vaut que par ceux qu'on lui consacre.
Reste à savoir qui, du parquet ou du JLD, doit contrôler la garde à vue. Si je suis d'accord sur l'évolution vers le contradictoire, je m'oppose à l'idée qu'on écarte le procureur qui, dans le système français, est un magistrat. Demain, 10 décembre, la chambre criminelle se prononcera sur son rôle. Attendons ses explications. Cela dit, le texte et les amendements que j'ai annoncés respectent pleinement la jurisprudence de la Cour de Strasbourg.
Le délai de quatre jours auquel il a été fait allusion ne se déduit pas d'une interprétation. Il est explicitement cité dans deux arrêts de la CEDH, l'un du 3 octobre 2006, l'autre du 3 février 2009. Ce dernier, Ipek et autres contre Turquie, précise expressément qu'un délai de quatre jours a été considéré comme conforme à l'article 5 de la Convention européenne des droits de l'Homme. Pendant ce laps de temps, il vous est proposé de faire intervenir successivement le procureur, qui prononce la première prolongation, et le juge des libertés, qui statue sur la seconde à la demande du procureur et rend une décision motivée. Cela dit, il faut conserver son efficacité à l'opération. M. Raimbourg a évoqué les permanences de nuit et la difficulté de trouver des magistrats. Le système qui vous est soumis en tient compte.
M. Perben a souligné à juste titre la nécessité d'un dispositif praticable, compte tenu du nombre de gardes à vue. La pire des choses serait d'opposer la liberté à l'efficacité : il serait dramatique que le respect des libertés publiques, des droits de la victime et de ceux du gardé à vue nuisent à la conduite de l'enquête.
Les modalités techniques de l'intervention de l'avocat doivent être réglées dans le détail, car, sur les grands principes, nous nous accordons tous. Le délai de carence réduisant d'autant la durée de la garde à vue, il est important que les barreaux, qui réclament la présence de l'avocat dès la première heure, s'organisent. Il appartiendra aux bâtonniers de mettre en place des permanences, avec un numéro dédié, de manière qu'un gardé à vue qui n'a pas d'avocat habituel puisse néanmoins se faire assister. Nous fixerons ensemble le délai de carence, mais celui-ci ne doit pas intervenir chaque fois que l'audition est reprise, ce qui prolongerait inutilement la procédure.
Quant à la nature de l'intervention de l'avocat, soyons honnêtes : le rôle d'un avocat est de parler, chacun en est conscient. La direction de l'interrogatoire revient cependant à l'OPJ chargé de mener l'enquête. L'avocat ne doit pas intervenir dans ses questions. À la fin de l'interrogatoire, il pourra éventuellement faire des remarques ou, si nécessaire, poser des questions à son client.
Sur le terrorisme et la criminalité organisée, je pense que nous sommes d'accord.
M. Garraud considère qu'il aurait été préférable d'engager une réforme globale de la procédure pénale et M. Urvoas m'a demandé non sans ironie si elle était toujours d'actualité. Ma réponse est positive. Oui, la Chancellerie continue d'y travailler avec des parlementaires, dont certains siègent dans votre Commission. Mais il n'échappe à personne qu'une législature ne dure que cinq ans, et que nous n'avons plus que dix-huit mois devant nous, ce qui nous laisse en fait peu de temps, une fois décomptées les périodes des élections cantonales, des congés obligatoires et celle réservée au budget. Nous commençons donc par la réforme de la garde à vue, parce que nous y sommes contraints par la jurisprudence, avant de poursuivre plus globalement la réforme de la procédure pénale.
M. Raimbourg n'a pas tort de souligner que la réforme de la garde à vue est difficile et compliquée, mais elle est aussi passionnante, comme le montre notre échange de ce matin. Si nous la réussissons, nous prouverons que, dans une démocratie, la protection de la liberté est source d'efficacité. C'est un point fondamental, qui nécessite des accords très larges. Vous avez prouvé qu'ils existent.
Vous m'avez interrogé sur le statut du procureur. Pour être un élu provincial, je ne suis pas pour autant naïf, et je sais que le sujet revient chaque fois que les cours font leur rentrée. En réalité, le statut du procureur n'est pas tout à fait celui qui est proclamé. Tout à l'heure, je présiderai l'avant-dernière réunion du Conseil supérieur de la magistrature, dont je suivrai les avis. La question n'a pas de conséquences immédiates sur le texte, de même que la réforme du statut du procureur n'aurait guère d'influence sur la jurisprudence de la Cour européenne. Ce qui lui pose problème est moins le statut du procureur – elle le dit clairement dans l'arrêt Moulin – que le fait qu'il soit partie poursuivante. Les deux choses sont très différentes.