Depuis le début de l'audition, je ressens une certaine amertume.
Sur le fond, beaucoup de nos collègues considèrent qu'il s'agit d'une réforme contrainte, alors que nous nous apprêtons à traiter une question fondamentale de notre droit, dont nous débattons depuis plus de vingt ans. La question de la garde à vue se posait déjà quand la Commission des lois débattait du nouveau code pénal. En outre, il s'agit d'une question de justice quotidienne. La garde à vue, élément non de l'enquête mais de la procédure, doit, comme tel, être considérée comme un acte majeur et non comme une formalité de police. D'ailleurs, elle n'est pas neutre en termes de libertés publiques. Ne considérons donc pas que notre débat est contraint par des juridictions – Conseil constitutionnel, Cour de cassation, Cour européenne des droits de l'Homme –, quelle que soit l'estime qu'on leur porte !
La décision que nous allons prendre résulte d'une évolution positive. Notre société est désormais prête à accepter, comme d'autres démocraties, la présence plus active de l'avocat dès la première heure de la garde à vue. Il y a vingt ans, les bâtonniers étaient très réservés à cet égard, et bien peu de barreaux s'y sentaient prêts. Aujourd'hui, les avocats la réclament eux-mêmes, ce que je considère comme un progrès. Quant à la police, certes plus réservée, elle sera grandie si l'on instaure des procédures de justice dans les commissariats. La présence des défenseurs supprimera les procès qu'on lui intente presque toujours à tort. Dans notre monde où la sécurité est un problème, elle retrouvera une image sécurisante, car une personne qui entre en garde à vue ne doit pas avoir peur. Je rappelle qu'un pays comme les États-Unis, qui gère le problème de la sécurité aussi bien que nous, admet la présence d'un avocat dès la première heure de la garde à vue.