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Intervention de Sébastien Huyghe

Réunion du 9 décembre 2010 à 10h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSébastien Huyghe :

Cette réforme imposée par la jurisprudence doit concilier plusieurs objectifs : permettre que l'enquête soit effectuée sans entrave, laisser au mis en cause la possibilité d'exercer ses droits légitimes à la défense, enfin respecter et protéger la victime. Veillons en effet à ne pas inverser les rôles en mettant quasiment celle-ci en accusation, alors que l'auteur présumé des faits serait considéré comme une victime potentielle du système, qui devrait être protégée à tout prix.

Notre marge de manoeuvre est étroite entre deux risques politiques majeurs. Le premier serait de réglementer la garde à vue de manière si contraignante qu'elle compromettrait l'efficacité de la police, ce qui enverrait un signal désastreux tant aux Français, qui demandent chaque jour plus de sécurité, qu'aux forces de l'ordre, qu'il ne faut pas décourager. Le second consisterait à mettre en place un nouveau système que condamnerait la Cour européenne des droits de l'Homme, le Conseil constitutionnel ou les hautes juridictions de notre pays. Le problème vient en partie du fait qu'on nous impose une procédure de garde à vue en vigueur dans les systèmes judiciaires accusatoires, alors même que nous conservons notre système inquisitoire.

Si je salue l'action du Gouvernement qui a pris les devants en travaillant à une réforme globale de la procédure pénale, je regrette, pour des raisons de cohérence, que la jurisprudence l'ait obligé à commencer par la garde à vue. Bien que son projet de loi équilibré suscite l'adhésion du groupe UMP, certaines dispositions appellent des questions, notamment en ce qui concerne l'audition libre, apparemment peu conforme à la jurisprudence, laquelle nous impose de légiférer presque dans l'urgence.

Nous nous interrogeons sur la notification des droits, la présence de l'avocat, le consentement éclairé à la renonciation à un certain nombre de droits, et enfin sur la sécurité.

Dès lors que, depuis 2000, la jurisprudence considère que toute contrainte doit nécessairement déboucher sur une garde à vue, on ne peut envisager d'audition libre que si la personne suit les policiers sans entrave et de son plein gré, ce qui pose évidemment la question de la sécurité de la personne et de la police. Par ailleurs, quel doit être le rôle de l'avocat pendant la garde à vue ? Doit-il se taire, comme le prévoit apparemment le texte, ou pourra-t-il poser des questions à la fin de l'interrogatoire ? Nous saluons le fait que le texte prévoie, avant l'interrogatoire, un entretien de trente minutes. Mais que se passera-t-il si l'avocat intervient pendant l'audition ou qu'il se livre à des manoeuvres dilatoires ? Est-il possible qu'il soit dessaisi du dossier, voire sanctionné ? Le délai de carence doit exister, mais celui-ci ne doit pas dépasser deux heures, pour ne pas paralyser l'enquête.

Nous sommes favorables à ce que la victime, au moins lors des confrontations, soit elle aussi assistée d'un avocat, pour respecter l'équilibre des armes.

Nous nous réjouissons également de la fin de la fouille intégrale systématique, aussi humiliante pour celui qui la subit que désagréable pour celui qui y procède.

Reste la question des moyens. L'agencement des locaux de police et de gendarmerie devra être revu si la personne mise en cause doit s'entretenir avec son avocat pendant trente minutes avant d'être interrogée. L'évaluation de l'aide juridictionnelle devra aussi être revue à la hausse. Il faudra prévoir un budget pour installer la visioconférence dans les commissariats et les gendarmeries.

Par ailleurs, dans les zones rurales, l'organisation des barreaux devra être revue, car ceux qui ne comptent qu'une vingtaine d'avocats auront sans doute du mal à mettre en oeuvre la réforme.

Enfin, je me réjouis des avancées concernant les régimes dérogatoires et du fait que les mandats d'arrêt et d'amener exigeront désormais l'intervention du juge des libertés et de la détention.

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