Nous voici à un moment important de la vie législative, où nous devons inventer un équilibre nouveau et délicat entre sécurité de nos concitoyens, exercice des libertés publiques et respect des libertés fondamentales.
Comme les policiers et les magistrats l'affirment, l'inflation du nombre de gardes à vue est en partie due à la loi du 15 juin 2000, votée ici à la quasi-unanimité, qui faisait de la garde à vue un élément de garantie des droits de la personne mise en cause par la justice. La décision du Conseil constitutionnel nous impose de modifier le régime de la garde à vue avant le 1er juillet 2011. Sans doute aurait-il été préférable d'inclure cette réforme dans celle, plus globale, de la procédure pénale, afin de bien en faire comprendre toute la cohérence.
Je rejoins Dominique Perben sur son appréciation de l'audition libre. Ce dispositif a été présenté comme nouveau, ce qui a fait naître une certaine confusion dans les esprits. Pourtant, la pratique qui consiste à convoquer une personne au commissariat pour procéder, avec son accord, à son audition, existe déjà. Elle est même beaucoup plus répandue, concernant les infractions mineures, que le placement en garde à vue, et donne à l'officier de police judiciaire un premier aperçu de l'affaire, en tout début de procédure.
La présence de l'avocat en garde à vue doit être conciliable avec la préservation du secret de l'enquête. Dans certaines affaires liées à la criminalité organisée ou au terrorisme, la sécurité de nos concitoyens en dépend. En contrepartie de l'extension de ses pouvoirs, la défense devra réformer son organisation afin d'assumer ces nouvelles responsabilités. Il faut aussi empêcher que l'absence de l'avocat ne paralyse l'enquête.
Monsieur le garde des Sceaux, vous avez répondu précisément à la question que je vous posais en séance, mardi dernier, sur les conséquences qu'il convenait de tirer de l'arrêt Moulin.
Je ne suis pas d'accord avec notre rapporteur sur le contrôle de la garde à vue : le parquet est une autorité judiciaire à part entière, ses magistrats ayant suivi la même formation et étant soumis aux mêmes règles de déontologie que les autres magistrats. Selon le Conseil constitutionnel, ils sont aptes à contrôler les gardes à vue pendant les quarante-huit premières heures. Je ne doute pas que cette question fera débat.
Enfin, il faut aller au bout de la logique de juridictionnalisation de la garde à vue et permettre à la victime de se faire assister, elle aussi, par un avocat. Il serait anormal de la laisser seule, surtout s'il s'agit d'une personne mineure ou vulnérable, lors d'une confrontation avec l'auteur présumé de l'infraction. Rapporteur pour avis depuis 2002 du budget de la justice, je suis conscient des sommes importantes que représente une telle réforme. Des crédits doivent impérativement être prévus pour la mettre en place.