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Intervention de Dominique Perben

Réunion du 9 décembre 2010 à 10h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Perben :

Monsieur le garde des Sceaux, merci pour votre présentation. Vous avez évoqué des ajouts qui paraissent nécessaires, compte tenu des évolutions récentes des jurisprudences européenne et française.

Néanmoins, je ne vois pas l'intérêt d'introduire l'audition libre dans notre système législatif. Pourquoi inscrire dans la loi une pratique courante, qui veut que les personnes considérées comme témoins se rendent dans un commissariat pour répondre à un certain nombre de questions ? Pour encadrer un tel dispositif, il faudrait l'alourdir considérablement, ce qui le rendrait, de fait, ingérable.

La solution que vous proposez quant au contrôle du parquet me semble intelligente, en tout cas conforme à l'interprétation que j'ai de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme. Encore faudra-t-il voir dans quelles conditions le parquet peut reporter de douze heures l'intervention de l'avocat dans les affaires classiques, et motiver sa décision. Cela doit rester du domaine de l'exception et ne pas devenir un deuxième régime de droit commun.

Pour que l'enquête ait toutes les chances de réussir, la liberté de l'individu étant protégée et le droit des victimes garanti, la loi doit être précise sur les conditions de l'intervention de l'avocat. Un délai de carence doit être instauré afin d'éviter que l'enquête ne soit bloquée ou, au contraire, que celle-ci ne fasse fi de l'arrivée de l'avocat. La durée de ce délai de carence devra être encore précisée, l'emploi d'une formule de type « délai raisonnable », qui serait un nid à contentieux, devant être évité.

Par ailleurs, il conviendra de préciser si l'avocat intervient pendant l'interrogatoire ou à la fin de celui-ci. Je rappelle qu'il s'agit bien ici d'une phase d'enquête de police, et non d'une convocation devant le juge.

Enfin, il faudra définir le rôle, éventuel, de l'avocat de la victime.

La position de la Cour de cassation sur les régimes dérogatoires est différente de celle du Conseil constitutionnel, qui avait validé la loi de 2004, mais la décision de non-conformité à la jurisprudence européenne s'impose à nous. Pour autant, gardons à l'esprit que les organisations terroristes ou criminelles sont si puissantes aujourd'hui que, faute de donner à la justice tous les moyens de lutter contre elles, les États démocratiques devront se défendre avec des moyens non judiciaires, ce qui ne représentera un gain pour personne. Donnons au parquet la possibilité de différer la présence de l'avocat en motivant sa décision au cas par cas, le juge des libertés et de la détention intervenant après les premières vingt-quatre heures.

L'amendement du Gouvernement, qui tirera les conséquences de l'arrêt Moulin en confiant le contrôle de la mise à exécution des mandats d'arrêt et d'amener au juge des libertés et de la détention, me paraît tout à fait pertinent.

Le passage d'un système à l'autre doit se faire dans les meilleures conditions possibles pour les services de police et de gendarmerie, pour les magistrats et pour les avocats. À cet égard, et malgré le délai qui nous est imparti, j'attire votre attention sur la nécessité d'écrire une loi praticable dont les dispositions seront facilement applicables par les professionnels.

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