Madame la secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités, mes chers collègues, le Parlement a définitivement adopté le 17 novembre dernier le projet de loi de réforme des collectivités territoriales, qui prévoit, entre autres dispositions nouvelles, la création d'élus territoriaux.
La superposition sur un même territoire de deux collectivités, le conseil régional et le conseil général, administrées par les mêmes élus territoriaux, crée de fait une collectivité nouvelle, une assemblée unique.
En janvier 2010, le Gouvernement a procédé à un double référendum local dans les départements de Martinique et de Guyane, l'un sur l'accroissement de l'autonomie des collectivités concernées, l'autre sur la création d'une assemblée unique. La Guadeloupe quant à elle n'avait pas, dit-on, formulé de propositions à temps alors que le Président de la République, lors de sa visite sur place le 26 juin 2009, nous avait laissé dix-huit mois pour organiser notre propre consultation, ce qui nous laissait jusqu'au 26 février 2011. Nous nous voyons ainsi privés du droit fondamental d'expression populaire par vote démocratique, ce qui justifie la partie relative à l'outre-mer de la saisine du Conseil constitutionnel par les groupes socialistes de l'Assemblée nationale et du Sénat.
La Constitution dispose dans son article 73 que « la création par la loi d'une collectivité se substituant à un département et une région d'outre-mer ou l'institution d'une assemblée délibérante unique pour ces deux collectivités ne peut intervenir sans qu'ait été recueilli, selon les formes prévues au second alinéa de l'article 72-4, le consentement des électeurs inscrits dans le ressort de ces collectivités ».
L'article 72-4 est contraire à cette disposition, puisqu'il rappelle que « le Président de la République, sur proposition du Gouvernement, peut décider de consulter les électeurs d'une collectivité territoriale située en outre-mer sur une question relative à son organisation, à ses compétences ou à son régime législatif ».
Puisque l'article 73 énonce l'obligation de consulter les populations concernées, alors que l'article 72-4 ne définit qu'une faculté offerte au Président de la République de consulter les électeurs, et compte tenu du traitement qui nous a été réservé lors de cette réforme, il semble primordial d'ouvrir le débat sur une révision des dispositions constitutionnelles propre à clarifier cette ambiguïté.
La réforme des institutions est indispensable, mais pas au détriment des valeurs démocratiques qui animent le texte fondateur de notre République. De ce point de vue, le Gouvernement entretient une certaine ambiguïté ; je l'ai constaté en écoutant le ministre de l'intérieur lors de la réception donnée en l'honneur des maires d'outre-mer le 22 novembre, rue Oudinot.
« Son application », a-t-il ainsi déclaré à propos du texte, « sera certes adaptée à l'outre-mer chaque fois que nécessaire. […] Pour la Réunion et la Guadeloupe, en l'absence des propositions s'écartant des dispositions arrêtées par le législateur, la loi portant réforme des collectivités territoriales s'appliquera telle quelle, ainsi que le Gouvernement l'a toujours indiqué ».
Si les Guadeloupéens demeurent indéniablement attachés aux valeurs de la République, ils n'en accordent pas moins une importance capitale à la question de l'évolution institutionnelle pour arrêter définitivement leur choix et, au besoin, réaffirmer leur ancrage dans la République française.
Êtes-vous prêts à lever une fois pour toutes les ambiguïtés inhérentes à l'interprétation des articles 72-4 et 73 de la Constitution ?
Sans préjuger de l'avis que rendra le Conseil constitutionnel, pouvez-vous me garantir que la population de la Guadeloupe sera consultée ?