Monsieur le député, vous avez appelé l'attention du Gouvernement sur l'article 7 de la loi du 9 août 2010. Vous n'ignorez pas le rôle déterminant qu'a joué notre pays dans la négociation du statut de Rome, instituant la Cour pénale internationale, ni la contribution de la France au fonctionnement de cette juridiction.
S'agissant des crimes et délits de guerre, la règle de l'imprescriptibilité n'a pas été retenue, pour des raisons d'ordre juridique et des considérations d'opportunité. En droit, la prescription des infractions répond à une exigence constitutionnelle, et seuls les crimes contre l'humanité sont imprescriptibles. En opportunité, l'imprescriptibilité des crimes de guerre aurait pour effet de banaliser la catégorie des crimes contre l'humanité en les faisant relever du même régime juridique.
C'est pourquoi les prédécesseurs de l'actuel garde des sceaux ont rappelé en plusieurs occasions que l'imprescriptibilité doit demeurer une règle exceptionnelle, limitée aux crimes contre l'humanité. M. Badinter a ainsi affirmé, lors des débats parlementaires relatifs à la loi du 22 juillet 1996 tendant à renforcer la répression du terrorisme, que « l'imprescriptibilité est née du refus de nos consciences d'accepter que demeurent impunis, après des décennies, les auteurs des crimes qui nient l'humanité. L'imprescriptibilité doit demeurer tout à fait exceptionnelle. Elle doit être limitée aux crimes contre l'humanité et ne saurait être étendue ».
Par ailleurs, la première des dix-sept recommandations du récent rapport du Sénat intitulé « Pour un droit de la prescription moderne et cohérent » confirme cette orientation et préconise de « conserver le caractère exceptionnel de l'imprescriptibilité en droit français, réservée aux crimes contre l'humanité ».
Enfin, même si la règle de l'imprescriptibilité avait été adoptée pour les crimes de guerre dans la loi du 9 août 2010, elle n'aurait pu, en tout état de cause, avoir d'effet rétroactif et permettre la poursuite des faits terribles que vous avez rappelés. En effet, les crimes de guerre ont toujours été prescriptibles en droit français. Avant la loi de 2010, la prescription était de dix ans. C'est ainsi que Klaus Barbie a été relaxé pour les faits constituant des crimes de guerre commis à l'encontre de Jean Moulin, et n'a été condamné que pour crimes contre l'humanité, notamment la déportation des enfants d'Izieu.
Les faits commis à Oradour ou dans d'autres localités, comme Maillé, étaient prescrits en application de la loi française telle qu'elle était applicable avant l'adoption de la loi du 9 août 2010. Cette loi n'a, par conséquent, rien changé au régime juridique de ces faits, ni d'aucun autre crime de guerre. Bien au contraire, elle a porté leur délai de prescription de dix à trente ans, prolongeant ainsi significativement les possibilités de poursuite de ce type de crimes.