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Intervention de Daniel Boisserie

Réunion du 9 décembre 2010 à 9h30
Questions orales sans débat — Prescription des crimes de guerre

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDaniel Boisserie :

Monsieur le ministre, le 9 août 2010 a été promulguée la loi portant adaptation du droit pénal français à l'institution de la Cour pénale internationale. Par l'article 7 de cette loi, le Gouvernement et sa majorité parlementaire ont fait le choix contestable d'insérer dans le code pénal une disposition prescrivant l'action publique à l'égard des crimes de guerre au bout de trente ans. La motivation avancée était celle de la différence qui existerait entre crimes de guerre et crimes contre l'humanité, ces derniers demeurant imprescriptibles.

L'adoption d'une telle mesure a profondément choqué les populations qui ont eu à subir les exactions de l'armée allemande et de ses affidés pendant la Seconde Guerre mondiale. Les habitants de ma région natale, le Limousin, ont été particulièrement touchés et révoltés, eux qui ont toujours en mémoire les massacres perpétrés par la division Das Reich à Oradour-sur-Glane et à Tulle en juin 1944, massacres qui ont fait au total près de 900 victimes, sauvagement assassinées.

De nombreuses associations d'anciens combattants et de résistants protestent contre cet article, qui empêcherait de juger aujourd'hui les criminels d'Oradour, ainsi que les coupables du massacre de Maillé, en Indre-et-Loire, où la Wehrmacht a assassiné 124 des 600 habitants du bourg, le 25 août 1944. Alors que la justice allemande instruit actuellement une procédure à l'encontre des soldats survivants impliqués dans ces meurtres, nous ne sommes désormais plus en mesure, nous Français, de juger des assassins de citoyens français.

La prescription des crimes de guerre est en complète contradiction avec les déclarations du président de la République, qui a dénoncé fort justement, le 28 août 2008, lors de sa visite à Maillé, la faute morale commise par la France, qui a ignoré pendant soixante-quatre ans les martyrs de ce village. Doit-on désormais considérer, monsieur le ministre, que les criminels nazis seront mieux traités en France qu'en Italie, où les auteurs des crimes de guerre de Marzabotto ont été jugés en 2007 et ceux de Sant'Anna, en Toscane, en 2008, grâce à l'efficacité de l'action conjuguée des polices allemande et italienne ?

Doit-on désormais considérer comme normal que l'Allemagne accorde beaucoup plus d'intérêt à juger les criminels nazis que la France, comme elle l'a montré récemment à Munich, où un tribunal a infligé à un criminel nazi une peine de perpétuité pour des crimes de guerre commis en Italie en 1944 ?

Monsieur le ministre, entendez-vous revenir sur cette prescription des crimes de guerre, afin que les descendants des victimes de la barbarie nazie n'aient plus le sentiment d'être méprisés et que la mémoire des centaines d'hommes fusillés, de femmes et d'enfants brûlés vifs, ne soit pas bafouée ?

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