Nous vous présenterons ce travail à deux voix, même si, s'agissant de la méthode, nous ne parlons que d'une seule voix.
Nous ferons tout d'abord quelques remarques d'ordre général.
Avant cela, nous tenons à souligner, l'excellent état d'esprit qui a présidé à nos travaux et à nos échanges. Nous pouvons nous réjouir d'être parvenus à une analyse commune sur une problématique extrêmement complexe.
Comme cela a été dit, notre mission s'est d'abord penchée sur les rythmes de vie scolaire dans le primaire, un choix motivé par la généralisation, à la rentrée 2008, de la semaine de quatre jours qui a relancé le débat, ancien dans notre pays, sur l'organisation du temps scolaire et ses effets sur le bien-être des élèves.
Cet automne, nous avons élargi notre réflexion aux rythmes de vie scolaire dans le second degré, la problématique des rythmes ne pouvant être déconnectée de celle de la vie d'ensemble des écoles et des établissements.
De plus, le fait que le calendrier national scolaire concerne les deux degrés de l'enseignement a conforté notre choix d'un travail mené en deux temps.
Dernière remarque d'ordre général. Nous avons très vite constaté qu'une réforme des rythmes de vie scolaire, quelle qu'elle soit, aurait des répercussions profondes sur les méthodes d'enseignement et les missions des enseignants eux-mêmes.
Compte tenu de l'ampleur des sujets que nous avons abordés tout au long du rapport, nous n'avons donc pas jugé opportun d'établir une liste de préconisations détaillées et numérotées.
Ce que nous vous présentons est, au sens propre, un rapport d'information qui inventorie les problématiques, indique les changements qu'il serait souhaitable d'apporter et analyse toutes les conséquences qui devraient en être tirées. C'est en quelque sorte une forme d'étude d'impact.
Venons-en au contenu de nos réflexions, et nous serons aussi synthétiques que possible pour permettre aux uns et aux autres de s'exprimer.
À nos yeux, c'est la question du niveau de décision de l'organisation du temps scolaire qui devrait être, en tout premier lieu, résolue.
Une chose est sûre. D'un côté, la « centralisation » de la gestion du temps scolaire depuis la rue de Grenelle ne permet pas aux équipes de s'adapter aux besoins de leurs élèves. De l'autre, une décentralisation totale n'est pas souhaitable, car l'éducation doit rester dans un cadre national.
C'est pourquoi il faudrait fixer, au niveau national, un objectif annuel d'heures d'enseignement dont l'organisation hebdomadaire serait ensuite décidée au niveau communal ou intercommunal, ce qui laisserait aux acteurs de terrain la possibilité de scolariser les élèves le mercredi ou le samedi en fonction des spécificités locales.
Ceci étant posé, venons-en à la journée scolaire, qui, selon les chronobiologistes entendus par la mission, est – nous les citons – « délirante », « mauvaise » et « aberrante ». La France se caractérise en effet par un nombre très faible de jours d'école (144 contre 187 pour la moyenne de l'OCDE) et des journées de six heures bien remplies, beaucoup trop remplies. Il faudrait donc réduire la durée de la journée scolaire en fixant un plafond quotidien horaire.
Dans ce cadre, une heure quotidienne d'études surveillées pour tous les élèves pourrait être instituée, sans sacrifier pour autant l'aide personnalisée. La place de celle-ci pourrait toutefois être repensée. Elle pourrait être intégrée dans le temps de la classe, le temps scolaire ordinaire, ce qui permettrait de mettre en oeuvre, dans les écoles, une pédagogie réellement différenciée.
S'agissant de la semaine de quatre jours, elle devrait être purement et simplement interdite. Certes, cette mesure apporterait une restriction à la liberté qui devrait être offerte aux acteurs locaux. Mais elle enverrait un signal fort de prise en compte de l'intérêt de l'enfant. Car la semaine de quatre jours a été choisie par les seuls adultes alors qu'elle est préjudiciable aux apprentissages et entraîne, selon les chercheurs entendus par la mission, une désynchronisation des rythmes biologiques des enfants.
Quelques-uns de ces chercheurs ont recommandé de varier la durée quotidienne et hebdomadaire des horaires en fonction de l'âge des écoliers, en soulignant que les « vingt-quatre heures d'enseignement pour tous », valables de trois ans à onze ans, constituaient une absurdité.
Toutes ces hypothèses conduiraient à repenser la part respective des activités scolaires et périscolaires. Mais cela ne voudrait pas dire pour autant que l'on doive faire n'importe quoi : la continuité éducative entre ces deux types d'activité devrait être assurée. En outre, les politiques éducatives communales devraient être mieux régulées, en particulier dans le domaine de l'accompagnement scolaire.
Par ailleurs, toute réforme qui obligerait les communes à prévoir la prise en charge d'enfants « libérés » plus tôt, devrait voir ses implications financières impérativement évaluées. La question de l'établissement de mécanismes de péréquation, afin d'assurer l'égal accès des enfants à l'offre périscolaire, devrait être également posée.
Une réforme des rythmes scolaires serait aussi l'occasion de mettre fin à deux spécificités françaises dont nous ne pouvons tirer aucune fierté : d'une part, des programmes encyclopédiques et, d'autre part, le non-respect des cycles d'enseignement, celui-ci confortant la pratique délétère du redoublement.
Parmi les sujets connexes aux rythmes scolaires que nous avons abordés – mais fondamentaux en eux-mêmes –, nous citerons la formation des enseignants à la maîtrise des temps d'apprentissage, laquelle devrait être effective, et la révision du statut de l'école et de son directeur. C'est l'occasion de saluer ici le travail de notre collègue M. Frédéric Reiss, même si ses conclusions font débat entre nous.
Enfin, pour réussir, une réforme des rythmes de vie scolaire devrait s'accompagner d'actions fortes de sensibilisation des parents à l'importance fondamentale du sommeil. Celui-ci devrait même faire l'objet d'une véritable politique de santé publique. Nous savons en effet que les enfants manquent de sommeil et souffrent d'une irrégularité à cet égard, néfaste à leur équilibre.
Nous en venons au secondaire. Le constat est simple : le volume horaire d'enseignement au collège et au lycée est supérieur à la moyenne européenne. Au collège, le volume horaire total des enseignements n'a pas connu d'évolution significative depuis la mise en place du collège unique. Les journées sont en outre allongées par l'accompagnement éducatif.
Au lycée, les rythmes sont affectés par l'organisation du baccalauréat. Le législateur a prévu trente-six semaines de classe. Or celles-ci ne sont pas assurées, en raison de la mobilisation du mois de juin entraînée par l'examen final. Les options conduisent de leur côté à participer à l'alourdissement des horaires des lycéens.
Pourtant, les établissements du secondaire disposent d'une autonomie pédagogique qui devrait en faire de véritables laboratoires en matière d'aménagement du temps scolaire. En réalité, les collèges et lycées ne décident pas vraiment des rythmes scolaires de leurs élèves car ceux-ci sont largement déterminés par le poids des différentes disciplines dans les grilles hebdomadaires, la définition du service des enseignants du second degré et la prise en compte des voeux des enseignants, notamment des « anciens », dans l'élaboration des emplois du temps, qui se fait au détriment des élèves. Une réforme des rythmes de vie scolaire dans le second degré devrait donc s'attacher à introduire plus de souplesse. Il faudrait confier la gestion de la grille hebdomadaire des enseignements au collège et au lycée dans le cadre de référentiels nationaux fixant le nombre annuel maximal des heures d'enseignement.
Faudrait-il aller plus loin et, comme pour le primaire, plafonner les horaires quotidiens et hebdomadaires d'enseignement ? Certains interlocuteurs ont revendiqué, au bénéfice des élèves, les 35 heures « TTC » « tous travaux compris », y compris le travail personnel. Cependant, cette mesure pourrait empêcher le développement de formes d'enseignement personnalisé aujourd'hui trop peu valorisées. En tout cas, notre attention a été attirée sur le souhait des parents d'élèves handicapés de prévoir de telles limites, car ces enfants se fatiguent plus vite que les autres.
Ainsi, plutôt que de porter tout son effort sur la réduction de la durée de la journée et de la semaine scolaires, une réforme dans le second degré devrait avoir pour objectif premier de faire varier les formes d'apprentissage. Dans ce but, il serait souhaitable de réduire le temps de cours magistral, de développer les enseignements pluridisciplinaires et de repenser les temps pédagogiques et les séquences d'enseignement.
Vous l'aurez compris : pour nous, l'emploi du temps de l'élève ne devrait pas tourner entièrement autour de l'inévitable heure de cours. Les programmes devraient être également retravaillés afin d'en distinguer le « coeur », qui s'appuierait sur le socle commun, et les éléments d'approfondissement.
Tout ceci impliquerait de faire varier les formes de regroupement des élèves. Il faudrait davantage recourir aux groupes de compétence, aux ateliers d'accompagnement, aux « cours dialogués », etc. Inversement, des cours magistraux de soixante à quatre-vingts élèves pourraient être dispensés pour l'enseignement des matières « dictées », comme l'histoire-géographie, ce qui permettrait de préparer les élèves à l'enseignement supérieur.
Parallèlement, afin de lutter contre les inégalités sociales, le travail personnel de l'élève pourrait être intégré dans le temps passé dans l'établissement.
D'autres mesures de justice mériteraient d'être également adoptées, comme le renoncement au redoublement, sauf cas exceptionnel. Sur ce sujet, notre attention a été attirée sur la situation des élèves handicapés à qui des aménagements devraient être proposés, au moment du passage du primaire au secondaire, pour leur permettre de faire leur Sixième et leur Cinquième en trois ans.
Afin de mieux prendre en compte les besoins des adolescents scolarisés au collège et au lycée, la pause déjeuner devrait être sanctuarisée et des plages horaires régulières devraient être consacrées à l'apprentissage de l'autonomie par les élèves.
Par ailleurs, la liaison entre les enseignements disciplinaires et les activités de découverte, que ce soit dans le domaine culturel et sportif ou auprès du monde de l'entreprise, devrait être repensée. L'Éducation nationale pourrait conclure à cet effet des partenariats systématiques avec les autres ministères et les collectivités locales.
Bien entendu, il serait nécessaire d'assurer parallèlement une cohérence entre les rythmes des écoles primaires, ceux des établissements du second degré et les transports scolaires.
Ces nouveaux emplois du temps auraient un coût, nous en sommes conscients. Des parents d'élèves ont d'ailleurs évoqué la nécessité d'un plan général de rénovation des lycées et des collèges, car leur qualité architecturale apparaît souvent obsolète. En effet, de nouveaux arrangements du temps scolaire pourraient avoir des conséquences sur la conception même de l'architecture des établissements, avec la mise en place notamment de lieux de vie et de rencontre pour les élèves. Les effets induits d'une réforme des rythmes scolaires sur les finances des départements et des régions donc devraient être évalués.
Nos travaux nous ont enfin conduits à nous intéresser aux obligations de service des enseignants. Pour les professeurs du premier et du second degré, ces obligations pourraient être liées à la définition d'un temps de présence dans l'établissement, cette approche étant mise en oeuvre par de nombreux pays européens.
S'agissant de l'année scolaire, nous sommes partisans, non comme M. Philippe Mérieux d'un seul mois de vacances l'été, mais du respect de l'alternance de sept semaines de classe et de deux semaines de vacances prévue par le législateur, ce qui implique d'allonger les vacances de la Toussaint et de réorganiser le troisième trimestre.
Les vacances d'été pourraient être raccourcies de deux ou trois semaines. Utopie, nous direz-vous. Pour être objectifs, il faut noter que les positions les plus monolithiques que nous ayons entendues sur le sujet ne venaient pas tant du corps enseignant que des professionnels du tourisme. Pour dissiper les craintes de ces derniers, peut-être infondées, l'impact d'une telle réduction sur l'activité économique devrait être évalué.
Par ailleurs, une réflexion sur le zonage des vacances d'été s'impose. La perspective serait plutôt bien accueillie par ces mêmes professionnels, mais il faudrait alors envisager deux zones de vacances, car les trois zones actuelles rendent impossible l'alternance prévue entre semaines de classe et semaines de repos.