Monsieur Deluga, vous avez appelé l'attention du Gouvernement sur les questions que soulève l'utilisation de l'irgarol, substance qui entre dans la composition des peintures antisalissure destinées aux coques des bateaux, et notamment sur les effets néfastes qu'elle peut exercer sur la faune et la flore marines, en particulier sur les huîtres du bassin d'Arcachon.
Vous le savez mieux que moi, au milieu des années soixante-dix, les peintures utilisées étaient à base de composés dont il a été prouvé au cours des années quatre-vingt-dix qu'ils causaient des ravages sur la reproduction et la croissance de divers organismes marins. Cette découverte a conduit à l'adoption de réglementations au niveau communautaire et international, visant à interdire les peintures à base de ces composés. C'est alors que des molécules de substitution, dont l'irgarol, sont apparues.
Cette substance est aujourd'hui suspectée, en raison de son écotoxicité importante pour les micro-algues, de menacer le phytoplancton et d'induire des perturbations endocriniennes chez les huîtres et chez d'autres organismes invertébrés.
Vous le savez, son utilisation, puisqu'il s'agit d'une substance dite biocide, est encadrée par une directive communautaire. Aux termes de cette directive, seuls sont autorisés les produits disposant d'une autorisation de mise sur le marché. Or, parmi les conditions d'attribution d'une autorisation à un produit, il faut que les substances actives qu'il contient figurent sur une liste de substances autorisées au niveau communautaire après évaluation des risques.
Les Pays-Bas évaluent actuellement l'irgarol afin de décider s'il doit être ou non inscrit sur la liste communautaire. Ce travail s'effectue sur le fondement d'un dossier déposé en avril 2006 par la société CIBA. En 2007, nous avons prévenu les autorités néerlandaises des préoccupations que nous inspirait cette substance. En 2008, ces autorités étaient sur le point de déposer un rapport d'évaluation soulignant les risques de perturbations endocriniennes.
Des discussions approfondies se sont finalement tenues entre CIBA et les autorités néerlandaises, qui, afin de lever définitivement le doute, ont demandé à cette société de produire une batterie de tests complémentaires. Ces tests ont été réalisés, et leurs résultats communiqués début novembre ; ils sont en cours d'examen par les autorités concernées, qui transmettront leur rapport d'évaluation à la Commission européenne au cours des tout prochains mois.
De son côté, et afin de définir sa position sur cette substance, le Gouvernement a demandé à l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail d'expertiser à son tour ce dossier.
Il est par ailleurs intéressant d'observer que la société BASF, qui a repris le dossier relatif à l'irgarol depuis la récente cession d'actifs de CIBA, ne défendrait l'utilisation de cette substance que pour le carénage des gros navires, ce qui exclurait ses applications privées, destinées à des navires de plaisance. Nous ne pouvons que nous en féliciter de cette initiative, et j'espère que BASF la concrétisera dans les meilleurs délais par une mesure d'étiquetage obligatoire et prescriptif, que nous envisageons d'imposer par voie réglementaire dans le cas contraire.
Notons enfin qu'en complément du dispositif d'encadrement découlant de l'application de la directive dite « biocides », la Commission européenne pourrait proposer d'ajouter l'irgarol, entre autres substances, à la liste annexée à la directive cadre de la loi sur l'eau ; cette liste énumère les substances qui doivent faire l'objet d'un suivi dans l'eau, et, le cas échéant, d'un programme de réduction. Le gouvernement français soutient cette démarche.