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Intervention de Robert Lecou

Réunion du 1er décembre 2010 à 9h30
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRobert Lecou, rapporteur 10 :

Monsieur le Président, mes chers collègues, l'examen de cette convention est pour moi l'occasion de rappeler que l'Inde est aujourd'hui un pays émergé, bien plus qu'émergent. Avec une vingtaine de satellites opérationnels, treize satellites en cours de développement, et des projets de lancement d'une sonde lunaire d'ici 2013 et de vol habité dans l'espace d'ici 2015, l'Inde est aujourd'hui un acteur majeur du paysage spatial mondial. Depuis l'achèvement de son lanceur national en 1980, elle fait partie du cercle étroit des puissances spatiales, aux côtés des Etats-Unis, de la Russie, de la Chine, du Japon et de l'Europe.

Nés concomitamment au début des années 1960, les programmes spatiaux français et indien se sont très tôt rapprochés, d'autant que les ambitions spatiales indiennes ont été marquées, dès l'origine, par un caractère essentiellement pacifique. C'est ainsi que la France et l'Inde ont signé, le 21 juin 1977, un accord de coopération dans le domaine spatial.

Cet accord institutionnalisait la coopération spatiale franco-indienne mais il souffrait d'un manque de précision à trois égards : la liste des domaines de coopération était limitée et devenue désuète au regard des progrès scientifiques et technologiques ; les échanges d'informations et la diffusion d'informations, notamment auprès des tiers, s'effectuaient dans un cadre juridique sommaire et qu'il était bon de préciser ; le régime des droits de propriété intellectuelle était presque totalement passé sous silence.

Le temps était donc venu de donner un nouvel élan à une coopération étroite et ancienne. Aussi est-ce la raison pour laquelle la France et l'Inde ont signé un accord-cadre de coopération en matière d'utilisation de l'espace extra-atmosphérique à des fins pacifiques, le 30 septembre 2008, à l'occasion de la visite dans notre pays du Premier ministre indien Manmohan Singh. Cet accord s'inscrit dans le prolongement du partenariat stratégique établi en 1998 entre nos deux pays et dans la ligne des orientations que le Président de la République a souhaité donner à ce partenariat lors de sa visite en Inde en janvier 2008.

Semblable en bien des points aux accords-cadres relatifs à la coopération dans le domaine de l'étude et de l'utilisation de l'espace extra-atmosphérique que la France a signés avec le Brésil en 1997 ou avec les Etats-Unis en 2007, le présent accord-cadre illustre la double convergence des objectifs et des moyens des programmes spatiaux français et indien.

En effet, l'objectif indien d'utilisation de l'espace extra-atmosphérique aux fins de recherche météorologique et climatologique correspond à l'un des cinq axes stratégiques « Développement durable » privilégiés par la politique spatiale française. Elargissant considérablement le champ de la coopération, l'article 3 de l'accord-cadre mentionne, entre autres domaines, la météorologie, la géophysique, et l'étude du changement climatique à l'aide de satellites d'observation de la Terre.

La réalisation de ces objectifs pourra prendre différentes formes, que l'article 4 de l'accord énumère de façon non exhaustive : échanges de données, d'équipement, et de personnel ; programmes de formation ; mise au point de programmes spatiaux communs, y compris à caractère industriel et commercial.

Quant aux échanges de données, le présent accord est plus complet que l'accord de 1977. Une annexe assure un équilibre juridique entre les parties en garantissant les contributions respectives des parties au regard du droit de la propriété intellectuelle et en prenant soin de définir les « informations confidentielles » que les parties s'obligent à protéger. La communication à des pays tiers d'informations issues des recherches menées dans le cadre du présent accord de coopération est soumise par l'article 9 au consentement préalable et mutuel des deux pays, qui doit être recueilli par écrit en matière de propriété intellectuelle (article V de l'annexe).

Les moyens indiens, notamment le niveau de maîtrise technique acquis par l'Agence spatiale indienne, correspondent aux moyens français et rendent le partenariat équilibré.

L'équilibre du partenariat proposé par le présent accord-cadre est d'abord institutionnel : c'est sur un pied d'égalité que le Centre National d'Etudes Spatiales (CNES) et l'Indian Space Research Organisation (ISRO) sont chargés par l'article 2 d'appliquer l'accord-cadre en tant qu'organismes d'exécution.

C'est aussi à parts égales que la France et l'Inde sont représentées au sein de l'instance de pilotage de la coopération spatiale franco-indienne que crée l'article 6 de l'accord-cadre. Cette disposition institue en effet un groupe de travail mixte, composé de membres désignés par chacun des deux Etats, doté de deux coprésidents (l'un français, l'autre indien), et réuni au moins une fois par an, alternativement en France et en Inde. Ce groupe de travail est chargé de la définition des futurs programmes de coopération, du suivi et de l'évaluation de leur mise en oeuvre, ainsi que du règlement amiable de tout différend pouvant survenir.

L'équilibre réalisé par le présent accord-cadre est ensuite financier : l'article 7 prévoit que la coopération envisagée s'effectue sans échange de fonds. Elle s'effectuera donc sous forme d'apports en nature, sur le modèle de ce qui a été convenu pour les missions Megha-Tropiques et Saral, à savoir que l'Agence spatiale française fournit la charge utile scientifique (instruments d'observation) et que l'Agence spatiale indienne fournit le lanceur et la plateforme satellite.

La contribution française aux programmes susceptibles de naître du présent accord-cadre est donc appelée à mobiliser les industries françaises du secteur spatial. Le gouvernement indien pourrait aussi solliciter des entreprises françaises, comme EADS Astrium, Thales, ou encore des petites et moyennes entreprises chargées de fabriquer des sous-systèmes, car il n'y a guère d'industrie spatiale en Inde et aucun équivalent d'EADS Astrium ou d'Alcatel Espace, la quasi-totalité des activités spatiales étant jusqu'ici prise en charge par l'Agence spatiale indienne.

Or je vous rappelle, mes chers collègues, que l'industrie spatiale représente 30 000 emplois en Europe, dont 12 000 en France, et que l'investissement dans l'innovation spatiale présente un important effet de levier sur l'économie. On estime ainsi qu'en 2008, avec l'investissement de sept milliards de dollars dans les satellites commerciaux lancés, ce sont près de cent trente milliards de dollars qui ont été injectés dans l'économie mondiale.

Disposant de personnalités hautement compétentes, mais de moyens budgétaires encadrés, les agences spatiales française et indienne avaient besoin d'un instrument juridique plus global et mieux adapté que l'accord de coopération spatiale du 21 juin 1977, pour mettre en commun leurs ressources et mener à bien des projets dont la nature évolue avec les progrès technologiques et scientifiques.

Propice au développement des connaissances scientifiques, l'accord-cadre du 30 septembre 2008 pourrait également l'être au développement des échanges économiques en favorisant le positionnement des entreprises françaises sur le marché spatial indien.

C'est pourquoi, quelques jours avant la visite du Président de la République en Inde, je vous invite à voter en faveur du projet de loi n°2709 autorisant l'approbation de cet accord.

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