Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le texte que nous examinons fait un tout petit pas vers l'application de l'article premier de la loi sur l'eau et les milieux aquatiques votée en 2006 qui consacre un droit d'accès à l'eau potable pour « chaque personne physique, pour son alimentation et son hygiène, dans des conditions économiques acceptables pour tous ».
L'accès à l'eau est un droit fondamental. La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme a d'ailleurs rattaché le droit à une eau saine à l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme qui protège la vie privée et familiale. Il est donc impératif d'assurer, réellement et concrètement, à chacun de nos concitoyens, un accès à l'eau potable, quels que soient son logement et ses ressources.
En moyenne, la facture d'eau en France est d'environ 21 euros par mois. Cette somme, très accessible pour nombre de nos concitoyens, représente 1, 6 % du revenu médian mais 5 % du RMI désormais remplacé par le RSA. Cette charge est donc loin d'être négligeable pour les personnes en difficultés. De plus, fait totalement inacceptable dans notre pays, il existe encore des ménages qui n'ont pas l'eau courante, soit pour des raisons économiques, soit pour des raisons géographiques. À cet égard, la Coalition Eau, qui regroupe vingt-six ONG, évoque le chiffre de plus de 500 000 ménages très démunis sans eau courante. Il s'agit de SDF, de gens du voyage mais également de personnes en situation très précaire, trop pauvres pour assurer leurs factures d'eau. De fait, les factures impayées sont en constante augmentation.
Il est donc plus que temps de prendre des mesures pour garantir un accès effectif à l'eau potable. Le texte proposé est, de ce point de vue, très décevant : il ne répond ni aux questions qui se posent quant à la constitution des prix de l'eau, ni aux interrogations portées par de nombreux observateurs sur la réalité de la concurrence entre les principaux distributeurs privés. Chacun sait bien qu'il est nécessaire de faire plus de clarté dans l'analyse du prix de l'eau distribuée ainsi que dans la mise en concurrence qui n'est pas toujours effective.
Il faut savoir que deux entreprises détiennent à elles seules plus de 80 % du marché de l'eau et de l'assainissement. Dans plusieurs villes, la gestion de l'eau est assurée par une société filiale détenue à parité par deux groupes supposés être concurrents. En 2002, le Conseil de la concurrence avait d'ailleurs dénoncé l'abus de position dominante de ces deux sociétés et demandé au ministre de l'économie le « réexamen, pouvant aller jusqu'au démantèlement, des filiales communes créées conjointement ». Or cela est resté lettre morte.
S'agissant de la constitution du prix de l'eau, des questions se posent également à propos du prix de traitement des eaux brutes, des surdimensionnements de certains investissements de traitement, comme l'a souligné la Cour des comptes elle-même.
Votre texte ne crée pas le service minimum que nous attendons pour l'accès de tous à l'eau. Joël Séché, président du groupe SAUR, a lui-même pris la plume et fait paraître une tribune dans Les Échos du mardi 23 novembre pour demander une « tarification vertueuse » de l'eau : « À l'image d'autres biens essentiels – électricité, gaz –, je partage pleinement la proposition d'élus et d'associations d'une tarification sociale de l'eau fondée sur les capacités financières des ménages. » Pourquoi ne pas avoir intégré ces options au texte ?
Cette proposition de loi se contente d'instaurer un système de subventions pour amoindrir les factures des personnes en situation de précarité avec une subvention au Fonds social du logement limitée à 0,5 % seulement du total des redevances perçues par le service de distribution concerné. Les collectivités feront ce qu'elles peuvent, comme les orateurs précédents l'ont souligné, selon ce que décideront leurs assemblées délibérantes, avec toutes les inégalités de traitement que cela peut produire sur notre territoire.
Les députés socialistes font donc des propositions. Nous suggérons notamment d'instaurer un service social de l'eau pour certaines catégories d'usagers, de donner la possibilité aux collectivités de modifier le tarif de l'eau en fonction de ces catégories d'usagers et de prévoir une aide de la collectivité pour le paiement des factures de façon préventive.
Ce texte, s'il permet d'ouvrir un débat très utile, est loin de répondre à toutes les questions posées. Il faudra certainement y revenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)