Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, par-delà notre appartenance politique, l'objet du texte dont nous sommes saisis nous intéresse tous en tant qu'élus locaux. En effet, il n'est pas rare désormais que nos concitoyens les plus démunis viennent dans nos permanences nous faire part de leurs difficultés à payer leur facture d'eau.
Certes, selon les statistiques, la facture d'eau ne représente au total que 1 % du budget des ménages en France ; mais cette charge, relativement réduite au premier abord, reste trop lourde pour nombre de nos concitoyens.
En effet, le tarif de l'eau varie fortement d'un territoire communal à l'autre, car les coûts supportés par les services dépendent de caractéristiques locales diverses – nature de la ressource en eau utilisée, contraintes d'exploitation, nature et nombre des habitations à desservir, politique d'investissement de la collectivité, entre autres.
D'après l'INSEE, le prix de l'eau a fortement augmenté au cours des années 1980 à 2000, la hausse atteignant 8 % en 1995. Et si, aujourd'hui, cette augmentation se rapproche du taux de l'inflation générale, il est de plus en plus nécessaire d'instaurer des mécanismes de solidarité envers nos concitoyens les plus fragiles.
La proposition de loi de notre collègue sénateur, M. Cambon, résulte en grande partie de la multiplication des normes de potabilité, qui visent à assurer à l'eau du robinet la meilleure qualité possible – ce qui est une très bonne chose.
Cette proposition vise à accroître la solidarité des communes en matière d'alimentation en eau et d'assainissement envers les personnes en situation de précarité résidant en France, sans discrimination entre les usagers, qu'ils soient abonnés directs ou non des services de l'eau et de l'assainissement.
À cette fin, elle autorise les communes à financer un fonds de solidarité pour l'eau géré par les centres communaux – les CCAS – ou par les centres intercommunaux d'action sociale – les CIAS. Ce fonds permettra de payer tout ou partie des factures d'eau et d'assainissement des personnes en difficulté.
Je rappellerai, comme mes collègues, que cette proposition fait suite à la loi LEMA. Celle-ci a énoncé dès 2006 un droit d'accès à l'eau potable pour tous à un prix abordable, et encadré très strictement les coupures d'eau en cas de non-paiement par l'usager ; mais elle en est restée au stade de principe, inappliqué dans les faits.
À l'heure actuelle, les personnes qui ont du mal à payer leur facture d'eau peuvent saisir le fonds de solidarité pour le logement de leur département. Ce dernier peut décider, après étude de leur dossier, de prendre en charge leur facture, en totalité ou en partie. Ainsi, près de 20 000 dossiers sont traités chaque année par les entreprises de l'eau, en lien avec les commissions départementales des FSL. Mais, trop souvent, les personnes les plus fragiles ne font pas appel à ces services, faute de les connaître.
Pour les centristes, il importe tout d'abord d'instaurer des dispositifs lisibles s'appuyant sur les structures existantes, afin de veiller à maîtriser les coûts de gestion. Nous saluons donc la logique de « guichet unique » que privilégie cette proposition de loi : nos concitoyens ne comprendraient pas la nécessité de s'adresser à des niveaux de collectivités différents selon la nature de la facture pour laquelle ils sollicitent une aide.
Il importe ensuite d'instaurer une solidarité entre les communes qui ne sont pas toutes dans la même situation en matière de pauvreté ; de ce point de vue, la péréquation à l'échelle du département s'avère à notre sens pertinente. Il y va de la bonne gouvernance des services de l'eau. Car, pour le Nouveau Centre, l'eau requiert une gouvernance rigoureuse : il revient à l'État de créer le cadre régissant la protection et l'usage de la ressource, et aux collectivités d'en assurer la gestion.
Pour conclure, je souhaite m'attarder un instant sur les responsabilités de la France dans le problème plus large de la gestion de l'eau à l'échelle mondiale. En effet, cette proposition de loi fournit l'occasion de le rappeler, la France est l'un des premiers bailleurs de fonds du secteur de l'eau, grâce à l'aide publique au développement. À ce titre, elle se doit d'exercer pleinement son influence.
Car tout indique que le problème de l'eau dans le monde va s'aggraver. D'ici à 2050, la population mondiale progressera de 50 %, et la demande d'eau bien plus encore, étant donné les besoins de ces trois milliards d'êtres humains supplémentaires. Et les aléas climatiques, en désorganisant les productions agricoles, ne nous faciliteront pas la tâche. C'est moins la ressource qui fait défaut que la demande qui va augmenter constamment au cours du siècle à venir – et, avec elle, les conflits d'usage autour de cette ressource naturelle.
Or le retard pris par les réalisations en matière d'eau et de l'assainissement sur les objectifs du Millénaire pour le développement définis en 2000 se confirme. À l'époque, la communauté internationale souhaitait réduire de moitié le pourcentage de personnes sans accès à l'eau et à l'assainissement de base avant 2015 ; nous savons aujourd'hui que nous n'atteindrons pas cet objectif.
Le groupe Nouveau Centre n'en appelle pas moins le secrétaire d'État et l'ensemble du Gouvernement à saisir l'occasion que représentera le sixième forum mondial de l'eau, prévu en mars 2012. En effet, la France jouit d'une légitimité certaine dans le domaine de l'eau, elle qui a été pionnière en faisant adopter un plan d'action pour l'eau par le G8 réuni à Évian en 2003. À cette occasion, notre pays peut donc contribuer à ce que soit franchie une nouvelle étape en matière d'accès à l'eau. Vous avez tout notre soutien dans cette entreprise, monsieur le secrétaire d'État.