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Intervention de Roland Muzeau

Réunion du 30 novembre 2010 à 15h00
Lutte contre les marchands de sommeil — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRoland Muzeau :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, chacun a encore en mémoire les affiches de la Fondation Abbé Pierre montrant un appartement en flamme avec ce slogan : « Taudis : le problème n'est pas seulement que des gens y vivent, c'est qu'ils y meurent ». Cette campagne choc nous montrait l'un des aspects les plus insupportables de la crise du logement : l'habitat indigne. Ce terme générique recouvre une réalité cruelle, celle de conditions d'habitat si dégradées qu'elles s'opposent au principe même de la dignité humaine, et conduisent souvent à des drames.

Comme le note le rapporteur, il existe en France près de 600 000 logements considérés comme insalubres. Les marchands de sommeil, qui exploitent la misère humaine pour s'enrichir, sont nombreux ; certains d'entre eux deviennent de véritables marchands de mort.

Dans ce contexte, les députés de la majorité soumettent aujourd'hui à notre vote une proposition de loi qui prétend renforcer la lutte contre ces bailleurs délinquants, en instaurant une astreinte journalière oscillant entre 50 et 500 euros dès la publication des arrêtés d'insalubrité ou de péril à l'encontre d'un logement.

Avant d'examiner ce dispositif, sur l'opportunité duquel on peut s'interroger, mais qui de prime abord relève d'une bonne intention, permettez-moi, chers collègues de la majorité, d'émettre quelques remarques préalables.

Vous oubliez bien vite qu'il y a trois semaines à peine, dans ce même hémicycle, vous votiez un budget « Ville et logement » désastreux, en recul de 187 millions d'euros ; sur trois ans, la baisse cumulée des aides à la pierre dépasse un milliard. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.) Vous ne pouvez pas d'un côté voter le désengagement massif de l'État en matière de politique publique du logement, en acceptant par exemple que le financement gouvernemental pour les logements PLAI diminue de 2 000 euros par unité, et d'un autre côté afficher cette proposition de loi pleine de bons sentiments. C'est tout simplement incompatible !

Vous ne cessez de mettre en avant l'action de l'ANAH dans la lutte contre le logement indigne, mais vous omettez systématiquement de mentionner que celle-ci n'est plus du tout financée par l'État : sans le 1 % logement et les collectivités locales, il n'y aurait plus dans notre pays de politique de lutte contre l'habitat dégradé !

Lorsque la commission prévoit que l'astreinte créée par la présente proposition de loi sera – si elle est jamais perçue – reversée à l'ANAH et non aux collectivités locales, qui ont la charge de sa mise en oeuvre, on atteint l'inacceptable avant de sombrer dans l'hypocrisie.

Mettre l'accent sur la responsabilité individuelle est nécessaire, mais on ne peut omettre toute réflexion sur la responsabilité collective, et avant tout sur celle de l'État. Lutter contre l'habitat indigne, cela suppose un plan national de construction de logements, notamment pour les plus modestes ; cela suppose le respect de la loi DALO ; cela suppose que l'État finance des logements PLUS et PLAI ; cela suppose que soient effectivement sanctionnées les villes qui n'appliquent pas la loi SRU.

Sans cet ensemble de mesures, votre proposition de loi sera inopérante, tout comme le fut « la traque aux marchands de sommeil » lancée en 2007 par Mme Boutin alors secrétaire d'État au logement.

J'en viens au dispositif lui-même. Nous sommes bien sûr favorables à la création d'une astreinte financière.

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