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Intervention de Brigitte Grésy

Réunion du 29 juin 2010 à 17h00
Délégation aux droits des femmes et l’égalité des chances entre les hommes et les femmes

Brigitte Grésy, membre de l'IGAS, auteur du rapport préparatoire à la concertation avec les partenaires sociaux sur l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes :

En décembre 2009, le ministre du travail a invité les partenaires sociaux à négocier sur quatre sujets : le temps partiel, notamment le temps partiel familial ; un entretien de conciliation entre vie professionnelle et vie familiale ; les conditions de la négociation collective ;et la place des femmes dans les institutions représentatives du personnel. Il leur était demandé de réagir avant la fin avril 2010 et le ministre avait annoncé que, faute d'accord, il présenterait un projet de loi sur l'égalité professionnelle au second semestre 2010. Apparemment, le ministre n'a pas reçu des partenaires sociaux une réponse conjointe sur ces quatre points. Mais la séquence prévue par le droit du travail – invitation à la négociation en vue d'un accord, projet de loi uniquement si l'accord ne s'est pas fait – a été respectée.

Apparaît maintenant dans l'avant-projet de loi portant réforme de retraites un article 13 tendant à sanctionner les entreprises qui n'élaboreraient pas le rapport de situation comparée. La question se pose de savoir si cet article tiendra lieu de loi sur l'égalité professionnelle ou si un projet en ce sens sera présenté ultérieurement. Cet article semble dicté par l'impératif juridique fixé par la loi du 23 mars 2006, selon lequel les entreprises doivent avoir annulé l'écart de rémunération entre les femmes et les hommes avant le 31 décembre 2010, sous peine d'une sanction financière qui serait fixée par la loi. Nous sommes donc arrêté en quelque sorte au milieu du gué.

Les conditions de l'égalité professionnelle effective, telles que je les ai exposées dans mon rapport, supposent trois piliers que je définirai dans un instant. Si ces piliers ne fondent pas, ensemble, la démarche, on passe à côté des trois conclusions importantes du rapport, que je rappelle : en équivalent temps plein, l'emploi des femmes ne progresse plus ; il existe une bipolarisation croissante, très dangereuse, des emplois féminins, entre des emplois peu qualifiés et des emplois qualifiés, avec une précarité grandissante de l'emploi des femmes ; la parentalité est toujours très bancale.

Les trois piliers de l'égalité professionnelle effective sont la simplification et le cadrage de la négociation collective sur l'égalité professionnelle ; la correction de la précarité du travail des femmes induite notamment par le temps partiel ; le renforcement de la place des femmes dans les conseils d'administration des entreprises et dans les institutions représentatives du personnel.

A ce jour, la question de la place des femmes dans les conseils d'administration a été traitée par la proposition de loi de M.Jean-françois Copé et de vous-même, Madame la Présidente mais celle de leur place au sein des institutions représentatives du personnel est laissée de côté. La précarité n'est pas traitée pour l'instant et la négociation collective le serait par cet article 13 de l'avant-projet de loi portant réforme des retraites.

Les services de l'Etat et les chercheurs étaient tous d'accord pour recommander en premier lieu de simplifier le code du travail en fusionnant les deux mécanismes de négociation sur l'égalité professionnelle que sont le dispositif spécifique prévu par la loi Génisson de 2001 d'une part, et d'autre part la négociation relative à l'égalité salariale qui dit prendre place dans la négociation annuelle obligatoire prévue par la loi de mars 2006. Outre que ces deux négociations se font à des rythmes différents, le contrôle de leur application est très difficile en l'état : pour l'une, il est fait ex post à la fois par la DARES et les directions du travail. Comme on ne sait jamais clairement s'il s'agit de la négociation spécifique sur l'égalité ou de l'égalité salariale, le contrôle et l'évaluation sont délicats et il devient impossible de sanctionner. La première chose à faire devrait donc être de simplifier le code du travail, en prévoyant une seule négociation obligatoire sur l'égalité professionnelle réintégrant l'égalité salariale.

Encore faut-il, dans le même temps, travailler sur les leviers d'action, en s'inspirant du décret concernant l'emploi des seniors. A ce jour, en matière d'emploi, il existe trois manières de sanctionner : pour ce qui concerne l'emploi des handicapés, soit il y a versement d'une amende, soit on embauche ; pour ce qui est des seniors, on paye, sauf si l'on démontre qu'on emploie des seniors ; pour ce qui est de l'égalité professionnelle, on fait ce que l'on doit, et si on ne le fait pas, on est sanctionné.

Or, quelle est la réalité ? Sur 1089 accords de branche signés en 2008, à peine 5 % ont intégré l'égalité professionnelle, et seules 7,5 % des entreprises aptes à négocier – celles qui ont déclaré un délégué syndical – ont signé un accord d'égalité professionnelle. Si l'on se réfère aux sanctions prévues dans la loi de mars 2006, on lit que s'il n'y a pas d'accord sur l'égalité professionnelle dans un accord de branche, la direction générale du travail refuse d'étendre cet accord. Or, pas un seul refus d'extension d'un accord de branche n'a été prononcé depuis mars 2006.

D'autre part, la campagne de contrôle lancée en août 2008 prévoyait que les inspecteurs du travail devaient contrôler mille entreprises ; un an plus tard, ils n'en avaient contrôlé que 415, soit moins de la moitié. Quand les contrôles portent sur la sécurité qui est un contrôle plus facile, les objectifs sont réalisés à 200 %, et parfois à 300 %. En d'autres termes, la loi de mars 2006 n'a pas pris corps, ni sur le plan quantitatif comme on l'a vu, ni sur le fond. En effet, la plupart des accords de branche se limitent à renvoyer à ce sujet aux accords d'entreprise, dont la teneur, sauf dans les très grandes entreprises, est bien souvent : « Nous ferons nos meilleurs efforts pour »…

Aussi faut-il travailler sur des leviers d'action, qui devront être assortis d'objectifs chiffrés de progression et d'indicateurs de suivi. Il convient en même temps de préciser la teneur du rapport de situation comparée, le RSC. Il a actuellement un statut hybride – à la fois outil de diagnostic, de comptage et de plan. Il doit être défini comme un outil de diagnostic des écarts salariaux et d'indicateur d'objectifs chiffrés. La fonction « plan » devrait en être dissociée.

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