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Intervention de Jacques Attali

Réunion du 19 octobre 2010 à 17h45
Commission des affaires économiques

Jacques Attali, président de la commission pour la libération de la croissance française :

Ce sera avec grand plaisir.

La France l'ignore, mais elle dispose d'atouts exceptionnels. Peu de gens savent que sa situation est à certains égards bien meilleure que celle de l'Allemagne, notamment dans les domaines démographique, scientifique et universitaire, et qu'elle a un grand potentiel de croissance. Nous devons être fiers de notre pays, l'aimer et avoir une vision à long terme.

Notre commission n'avait pas pour vocation de proposer un programme transpartisan ou consensuel, les oppositions étant nécessaires dans une démocratie, mais de montrer que celles-ci s'inscrivent dans un cadre que chacun peut partager.

Par ailleurs, nous souhaitions parler au nom de personnes qui n'ont pas le droit de vote, à savoir les enfants nés ou à naître. Stéphane Boujnah avait même proposé d'intituler ce rapport : « Pour nos enfants ». Nous avons essayé d'exprimer le point de vue des générations futures, qui, un jour, nous demanderont des comptes.

Dans quel ordre faut-il allumer nos moteurs ? Il y a urgence pour tous les quatre. Plus on mettra de temps à démarrer, plus il faudra faire vite. Les réformes concernant l'école, l'emploi, les grandes infrastructures ou la retraite prendront longtemps : il faut les engager le plus vite possible.

Le projet de TVA sociale semble effectivement au point mort depuis un débat télévisé le soir du premier tour des élections législatives de 2007. Il paraît pourtant évident que la France doit devenir beaucoup plus compétitive, qu'elle doit réduire le coût du travail et bénéficier d'une monnaie moins forte tout en prenant garde de ne pas relancer l'inflation. Actuellement, celle-ci étant faible, la compétition très forte et la possibilité d'augmenter les prix réduite, une augmentation de la TVA aurait peu d'effets négatifs sur la justice sociale. Je ne vois pas de meilleur moment pour le faire. Encore faut-il faire preuve de courage et être pédagogue : il est absurde de parler de « TVA sociale », il s'agit d'un transfert de charges.

Vous avez raison : une hausse des taux d'intérêt serait un grand danger. Je suis heureux que certains de mes amis socialistes disent du bien de cette partie du rapport, après les propos tenus à mon égard par le porte-parole de leur parti que ne n'hésite pas à qualifier d'insultants.

Où trouver les 75 milliards nécessaires ? Nous avons eu le courage de proposer une solution. Le tableau 5, page 128, détaille le contenu d'un programme d'ajustement qui permettrait d'engranger 25 milliards de recettes et d'économiser 50 milliards de dépenses. L'État y contribuerait pour 22,4 milliards, les collectivités locales pour 12,6 milliards et la sécurité sociale pour un peu plus de 15 milliards. Que l'on soit en désaccord avec les mesures préconisées, fort bien, mais dans ce cas, la moindre des choses serait de proposer d'autres solutions ! Il conviendrait que le débat public revienne à ces évidences.

S'agissant des retraites, le manque de prévisibilité ne peut guère être un argument opposable au système suédois, dans la mesure où, dans le monde actuel, il est devenu bien difficile de faire des prévisions. En revanche, sans doute faudrait-il que ce modèle s'inscrive de manière plus stable dans la tradition française de la répartition.

Je regrette de ne pas avoir évoqué moi-même la dimension européenne. Vous avez raison, il convient de trouver un compromis entre les différentes positions européennes, mais on ne peut pas dire que rien n'ait été fait. M. Barroso a d'ailleurs repris à son compte mes propositions de bons du Trésor européens et de plan européen de relance. Les grands investisseurs de long terme de l'Union européenne, du type de la Caisse des dépôts en France, se sont mis d'accord sur un programme de relance financé par des fonds souverains européens.

Il est vrai que la question de l'euro fort est préoccupante. Une guerre des monnaies a commencé, chacun misant sur une diminution de la valeur de sa devise ou sur des émissions monétaires pour stimuler la croissance. L'euro fort est critiqué au sein même de la Banque centrale européenne (BCE) et les ministres des finances de la zone euro sont en désaccord sur la politique à suivre. Il n'y a pas de gouvernance monétaire claire, les ministres des finances semblant avoir oublié qu'il est de leur responsabilité de donner leur avis sur le taux de change ; ils ont délégué tous leurs pouvoirs à la BCE, ce qui est contraire au traité de Maastricht. Il est urgent qu'il y ait une prise de conscience collective.

À la différence du premier rapport, nous avons proposé des solutions européennes, autour du moteur franco-allemand, qui nous paraît essentiel. Nous allons d'ailleurs présenter ce rapport à Bruxelles et à Berlin, et nous en avons fait traduire le résumé en allemand et en anglais, de façon à créer les conditions d'un dialogue.

S'agissant du statut du directeur d'école, vous trouverez tous les détails dans le rapport. Nous préconisons que le directeur d'école soit formé en tant que tel et que les maîtres bénéficient d'une formation continue et d'un droit à une seconde carrière, ce qui nous paraît important tant pour leur vie personnelle que pour le renouvellement de l'enseignement. À titre personnel, je suis par ailleurs favorable à une formation spécifique pour les maîtres.

Une réduction des dépenses des collectivités locales est-elle possible ? C'est en tout cas une question centrale, qui me conduit à me prononcer contre le cumul des mandats, dans la mesure où les élus de la nation et les élus des collectivités locales ont parfois des intérêts divergents. Ce conflit d'intérêts me paraît mériter qu'on y réfléchisse.

Le principe de la libre administration des collectivités territoriales est en effet garanti par la Constitution. Le problème, c'est qu'il s'agit toujours du même argent ! Nous proposons donc, non une révision de la Constitution, mais, plus modestement, un pacte visant à rappeler aux collectivités locales qu'elles font partie intégrante de la collectivité nationale et qu'elles ne peuvent se dispenser de participer à l'effort général de réduction des dépenses. Si encore l'on avait su réduire le nombre de niveaux de collectivités territoriales et clarifier leurs compétences, peut-être aurait-on pu leur accorder davantage d'autonomie, mais, dans l'état actuel des choses, ce serait contraire à l'intérêt général.

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