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Intervention de Hadrien Clément

Réunion du 16 novembre 2010 à 18h00
Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

Hadrien Clément, président de l'APESI :

Je vous remercie de donner la parole à l'association des producteurs d'électricité solaire indépendants, laquelle regroupe des PME spécialisées dans le solaire photovoltaïque.

Avant d'évoquer les pistes de réforme de la filière, sous les angles réglementaire et organisationnel, je tiens à vous remercier pour le travail parlementaire accompli sur l'électricité solaire, en particulier l'excellent rapport de M. Poignant en 2009.

Pourquoi le photovoltaïque est-il une chance pour la France ? Pourquoi le Président Sarkozy a-t-il dit, il y a un an : « là où on investit un euro dans le nucléaire, on investira un euro dans les énergies renouvelables » ? Pourquoi l'Allemagne, l'Espagne, la Chine, les États-Unis et le Japon jugent-ils le photovoltaïque comme une chance et font-ils la course pour s'équiper en installations performantes ?

Je ne pense pas que les politiques soient réticents par principe au photovoltaïque, mais pas à n'importe quel coût. Cette position est celle du bon sens, et il ne s'agit pas de créer une filière qui grève de manière irrémédiable les finances publiques.

La capacité installée française est très faible par rapport à l'Allemagne : 500 MW installées en France en quatre ans, dix fois plus outre-Rhin au cours de cette seule année. Le parc raccordé était de 289 MW au 31 décembre 2009 et de 422 MW au 30 juin 2010, soit une évolution de 133 MW en six mois. Nous sommes très loin des 3 000 MW annoncés dans la presse !

S'agissant de la file d'attente, plusieurs chiffres circulent : 4 800 MW selon le rapport Charpin, 3 717 MW selon ERDF et la CRE – je note avec intérêt que le président de la CRE vient de fournir des chiffres plus précis.

Quelques associations, dont l'APESI et Enerplan, ont mené une enquête auprès de 95 % des acteurs du secteur hors EDF : quatre projets sur cinq ne se réaliseront jamais, du fait de difficultés techniques et financières ou de problèmes liés au raccordement. Par ailleurs, trois projets sur quatre appartiendraient à EDF. Selon le rapport semestriel d'EDF EN, le pipeline solaire de la société se monterait à 2 013 MW ! Sommes-nous vraiment dans un marché ouvert à la concurrence ?

Que propose la filière ? Tout d'abord, la purge de la file d'attente. Tous ceux qui bénéficient du tarif 2006 – celui qui coûte très cher à la collectivité – devraient mobiliser 30 % de l'investissement total pour pouvoir rester dans la file d'attente. Il convient de laisser de côté les projets qui ne sont que pure spéculation et, en contrepartie, simplifier les démarches administratives pour accélérer les procédures. L'effort de la filière doit être contrebalancé par une diminution du délai d'instruction des dossiers par ERDF : l'envoi de la convention n'intervient que trois mois après le versement du premier acompte, ce qui est inacceptable dans un secteur industriel.

Quel est le coût du solaire pour la CSPE ? Le photovoltaïque ne représente en 2010 que 5,7 %, soit 120 millions d'euros – 4 euros par an et par ménage. Ce n'est rien. Les autres composants de la CSPE sont le TaRTAM, la cogénération et la péréquation tarifaire.

Pourquoi une telle différence avec les chiffres lus dans la presse et ceux du rapport Charpin ? S'agissant de la file d'attente, on parle de 4 000 MW alors que seuls 122 MW ont été installés en six mois !

À propos des surcoûts, le président de la CRE évoque la différence entre le tarif d'achat et les prix de marché de gros pour l'électricité. Or la loi qui institue la CSPE mentionne le « prix du marché » et non « les prix du marché de gros ». D'autant que les particularités du photovoltaïque – production pendant les pics de consommation, raccordement à la charge du producteur et autoconsommation possible – le rapprochent plutôt des prix de détail. En France, il y a un panachage entre le nucléaire et les énergies complémentaires, et, comme pour l'hydraulique, c'est le prix du marché de détail qui doit s'appliquer.

Je vais plus loin : la CSPE est une cagnotte pour EDF. Nous lisons en effet dans les comptes annuels de l'entreprise que ses obligations d'achat nettes de CSPE lui ont rapporté 670 millions d'euros en 2009. Cela suffirait pour financer le photovoltaïque pendant plusieurs années.

Venons-en aux gains de la filière. Aujourd'hui, la priorité de la France, c'est l'emploi. Avec le photovoltaïque, on parle de 25 000 emplois – 32 000 selon Jean-Louis Borloo. L'INSEE estime à 17 000 euros le gain d'un emploi. Le calcul est rapide.

La filière photovoltaïque est également une source de revenus pour l'État, à travers l'impôt sur les sociétés, et pour les collectivités, par le biais de la contribution économique territoriale, de l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux et de la taxe d'aménagement. De plus, si l'exécutif local consent un effort fiscal pour qu'une entreprise s'implante sur son territoire, il favorise en contrepartie la création d'emplois.

N'oublions pas que si nous n'atteignons pas 23 % de consommation finale d'électricité issue des énergies renouvelables, nous ferons l'objet de sanctions financières de la part de l'Union européenne. La filière permet aussi de sécuriser nos approvisionnements et de contribuer à l'indépendance énergétique de notre pays.

Enfin, le photovoltaïque participe à la stimulation de l'industrie nationale. Le prix d'une installation se compose pour 40 % des panneaux eux-mêmes et pour 60 % de la main-d'oeuvre. Par ailleurs, la production de panneaux français correspond à 230 MW, achetés par des Français. S'agissant des panneaux achetés en France, une part vient des pays limitrophes, mais seulement un tiers vient de Chine car ils sont plus difficiles à assurer et les bailleurs de fonds refusent de coopérer. Comme vous le savez, les installations sont financées à 80 % par la dette : les investisseurs privés ont besoin de l'accord des banques.

La grande chance du photovoltaïque tient à son acceptation parfaite par le public. La cagnotte de demain, quant à elle, proviendra de l'octroi de certificats verts.

Quelles sont les propositions de l'APESI ?

Tout d'abord, purger la file d'attente passe par la radiation des projets inscrits avant le 12 janvier 2010 dont les promoteurs ne sont pas en mesure de transmettre une attestation d'acompte de la commande de modules photovoltaïques. C'est un engagement que la filière est à prête à soutenir. En échange, elle souhaite une transparence totale sur la CSPE. Nous ne voulons plus lire dans la presse que le photovoltaïque impacte gravement les finances publiques, ce qui est faux. La CRE pourrait établir un tableau de bord de tous les indicateurs.

Enfin, nous devons repenser l'objectif de 5,4 GW, qui représente 3 milliards d'euros de bénéfices en matière d'impôt et de contribution économique territoriale. Si vous portez cet objectif à 20 GW, en laissant faire le marché, vous obtiendrez un bénéfice de 9 milliards. Si l'objectif de 5,4 GW représente 60 000 emplois, imaginez ce que pourrait créer un objectif de 20 GW et l'intérêt que cela représente en période de crise.

Pour structurer la filière, il faut créer un indice corrélé au prix des panneaux. Une baisse trop forte des tarifs – en l'occurrence plus de 40 % en six mois – nuit à la confiance nécessaire aux investisseurs. Créons un indicateur sur la base de 40 % pour les panneaux et 60 % pour la main-d'oeuvre.

Pour conclure, je demande solennellement que l'on ne baisse pas les tarifs en janvier. C'est l'ensemble de la filière qui mettrait la clef sous la porte. Il ne serait plus question de créer les emplois de demain mais de créer une file d'attente au Pôle Emploi.

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