La réforme constitutionnelle de 2008 a modifié l'article 11 de la Constitution, afin d'introduire ce que certains ont appelé de manière un peu abusive le référendum d'initiative citoyenne. Cette idée, née sous la Révolution française, avait été formalisée dans un projet de Constitution présenté par Condorcet. Plus proche de nous, le comité Vedel, chargé de réfléchir à la réforme des institutions à la demande du Président Mitterrand, avait fait des propositions en ce sens en 1993, suivi par le comité Balladur en 2007.
Le dispositif introduit à l'article 11 est issu d'un amendement qu'avait présenté notre collègue Arnaud Montebourg, adopté en première lecture, puis modifié au Sénat et en deuxième lecture à l'Assemblée nationale. Il est anormal que cette modification de la Constitution ne soit toujours pas applicable faute de dépôt par le Gouvernement d'un projet de loi organique. Tel est le sens de cette proposition de loi organique, étant précisé, comme nous l'expliquons dans l'exposé des motifs, que nous n'aurions pas rédigé de cette façon la disposition de l'article 11 s'il s'était agi d'introduire le référendum d'initiative citoyenne.
Le champ d'application de la nouvelle procédure est le même que celui défini au premier alinéa de l'article 11 pour un référendum décidé par le Président de la République sur proposition du Gouvernement ou des deux assemblées. Mais il s'agit cette fois de référendum organisé à l'initiative d'un cinquième des membres du Parlement avec le soutien d'un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales. Cette initiative prend la forme d'une proposition de loi. Elle ne peut avoir pour objet l'abrogation d'une disposition législative promulguée depuis moins d'un an. Le Conseil constitutionnel est chargé de veiller à la régularité de l'ensemble de la procédure.
Il revient au législateur organique de déterminer les conditions de présentation de l'initiative, de préciser les conditions dans lesquelles le Conseil constitutionnel contrôle la conformité de la proposition de loi à la Constitution et de fixer les délais de la procédure. Nous considérons qu'il doit faire en sorte de ne pas restreindre davantage encore la portée du dispositif. Les seuils fixés par l'article 11 pour la mise en oeuvre du droit d'initiative partagée – un dixième des électeurs inscrits, un cinquième des membres du Parlement – sont en effet très élevés, notamment par rapport au seuil d'un million de citoyens retenu dans le Traité de Lisbonne pour l'initiative citoyenne européenne. Les seuils fixés pour les référendums d'initiative populaire qui se pratiquent à l'étranger, dans un champ beaucoup plus large, sont également beaucoup plus faibles – 500 000 électeurs en Italie, 50 000 en Suisse, environ 400 000 en Californie.
Il est particulièrement choquant que près de deux ans et demi après la réforme constitutionnelle, le Gouvernement n'ait toujours pas déposé de projet de loi organique visant à rendre applicables les dispositions de l'article 11 et c'est pourquoi je vous propose d'adopter ce texte.
Pour assurer l'effectivité de ce nouveau moyen d'expression des citoyens, nous prévoyons des délais raisonnables : un an pour collecter les déclarations de soutien des électeurs et trois mois, pour chaque assemblée, pour examiner la proposition de loi.
À l'article 8, nous précisons quels peuvent être les organisateurs d'une pétition présentée à titre collectif, afin notamment d'éviter le risque d'ingérences étrangères.
Nous prévoyons un contrôle de constitutionnalité a priori de la proposition de loi, afin d'éviter le risque de conflit de légitimité.
S'agissant des conditions de présentation de l'initiative partagée, nous proposons également, à l'article 17, d'interdire l'organisation d'un référendum moins de trois mois avant une élection présidentielle ou des élections législatives générales. Le président Jean-Luc Warsmann s'était exprimé en ce sens lors de la discussion du projet de loi constitutionnelle.
Enfin, il nous paraît nécessaire de préciser le sens de la disposition constitutionnelle selon laquelle « si la proposition de loi n'a pas été examinée par les deux assemblées dans un délai fixé par la loi organique, le Président de la République la soumet au référendum ». L'examen étant une notion un peu floue, nous précisons qu'il doit y avoir un vote, en évoquant les différents cas de figure possibles afin d'éviter toute ambiguïté.
Nous sommes bien entendu ouverts à la discussion, tout en considérant que cette proposition de loi organique est aussi respectueuse que possible de la volonté qui nous avait animés lors de la réforme constitutionnelle de 2008.