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Intervention de Jean-Jacques Candelier

Réunion du 25 novembre 2010 à 9h30
Lutte contre la prolifération des armes de destruction massive — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Jacques Candelier :

Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, conformément aux résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies de 2004, 2008 et 2009, le Gouvernement propose d'améliorer les outils juridiques pour prendre en compte, soi-disant, « toutes les dimensions de la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive, de leurs vecteurs et des matériels connexes. » J'ai bien dit soi-disant « toutes les dimensions », et j'y reviendrai.

Au travers de vingt articles et d'une refonte du code de la défense et de procédure pénale, le projet de loi vise à améliorer « l'arsenal juridique national pour en renforcer l'efficacité, la cohérence et le caractère dissuasif ».

Le texte prévoit ainsi de nouvelles incriminations qui permettront une mise en cohérence des comportements réprimés et des peines encourues dans les trois domaines de la prolifération : nucléaire, biologique et chimique. Il accroît la répression des infractions liées à la prolifération des vecteurs de ces armes ; renforce le contrôle des biens à double usage, c'est-à-dire des biens pouvant avoir à la fois une application civile et une application militaire.

Il est prévu des aménagements spécifiques de la procédure pénale : centralisation de l'enquête, de la poursuite, de l'instruction et du jugement des crimes et des délits au TGI de Paris ; allongement substantiel des délais de prescription pour s'aligner sur ceux du terrorisme. Très bien.

Cela étant, il faut s'interroger : à quelle réalité concrète nous faut-il faire face ?

Le Gouvernement nous dit qu'il se créé une économie de la prolifération illégale, structurée autour de réseaux d'acquisition et de vente, qui profite de la mondialisation, des nouvelles technologies de la communication, de l'ouverture des marchés financiers.

Le Gouvernement nous indique que des acteurs non étatiques cherchent à acquérir des armes de destruction massive.

Certes, selon les services de renseignement, le risque existe. Dans ce cadre, ce projet de loi peut avoir une actualité dans le sens de la dissuasion, de la prévention du terrorisme nucléaire. C'est pratiquement tout, la représentation nationale ne doit pas s'y tromper. Alors que la menace terroriste islamiste est systématiquement mise en exergue, les experts sont très réservés sur le fait qu'Al-Qaïda puisse se procurer la bombe et mener une attaque avec des armes de destruction massive.

Pour commencer, interrogeons-nous sur l'efficacité des dispositions légales déjà en place.

Combien de faits ont-ils été révélés et jugés concernant l'exportation, la fabrication ou l'utilisation illégales d'armes de destruction massive en France ? Combien de peines ont-elles été prononcées ? D'après le Gouvernement et son étude d'impact : zéro !

Heureusement pour la majorité, notre éminent collègue Michel Voisin est mieux renseigné. Le rapporteur a découvert qu'en mars 2003, le tribunal correctionnel de Paris a prononcé des peines allant de dix mois à trois ans d'emprisonnement à l'encontre de trois personnes arrêtées en France en 2001 en possession d'uranium 235 hautement enrichi. Cet antécédent justifie à lui seul cette riche discussion de ce matin.

En réalité, les faits incriminés n'existent pratiquement pas en France.

La France pourra toujours afficher un code de défense et une procédure pénale sans faille en matière de lutte contre la prolifération, le bénéfice stratégique et politique en restera quasiment nul, alors que le problème de la prolifération illégale est principalement externe à la France. Surtout, au-delà de ce manque d'application concret, dont on peut d'ailleurs se réjouir, j'ai l'impression que ce texte entend apporter une réponse répressive à un problème global et international.

Le titre de ce projet de loi est abusif. Ce n'est pas la prolifération qui est combattue par ce texte, mais la prolifération illégale, en dehors des règles étatiques. La nuance est d'importance et je la souligne. Par conséquent, je vais exposer en quoi ce projet procédurier ne peut pas, à mon sens, atteindre des objectifs ambitieux en matière de sécurité civile et militaire.

Le phénomène de prolifération est essentiellement de nature étatique. La quasi-totalité de la prolifération provient des États. La France doit faire son autocritique, car la prolifération constitue la plus grande menace contre la paix.

Le développement de nouvelles forces nucléaires élève le niveau de la menace intentionnelle et augmente la probabilité de risques accidentels comme celle de détournement des armes. Aussi, l'État français aurait-il plutôt intérêt à limiter ses arsenaux et à être moins proliférant, quand bien même il s'agirait d'une prolifération légale. Cela limiterait les risques. De ce point de vue, le sommet sur la sécurité et la non-prolifération nucléaire, qui a eu lieu à Washington les 12 et 13 avril, a été une occasion ratée.

À la tribune des Nations unies, pour la conférence de suivi du traité de non-prolifération, la France, à l'inverse de nombreux autres États, a réitéré son discours habituel sur la non-prolifération. Ce discours met en avant les devoirs des États non dotés de l'arme nucléaire, mais il masque les obligations en matière de désarmement de ceux qui en sont dotés.

Ne parlons même pas du dernier sommet de l'OTAN qui a entériné le principe d'une défense antimissile dont nous ne voulons pas, et qui, outre sa gabegie financière, donne un signal négatif au reste du monde, loin de la nécessaire détente.

Au lieu d'une course à l'armement et à la défense, éloignée de l'objectif de paix, il faudrait réduire encore le stock de nos arsenaux, et déployer davantage d'efforts diplomatiques afin d'arriver à la réduction multilatérale mondiale, progressive et contrôlée des arsenaux nucléaires.

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