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Intervention de Patrick Ollier

Réunion du 25 novembre 2010 à 9h30
Lutte contre la prolifération des armes de destruction massive — Discussion d'un projet de loi

Patrick Ollier, ministre chargé des relations avec le Parlement :

Du côté de la commission de la défense, le président Guy Teissier, en voyage officiel en Guyane, a demandé au vice-président Philippe Vitel de le remplacer. Merci donc, cher vice-président, d'être présent. Merci aussi à M. Guilloteau qui remplace, quant à lui, le rapporteur Michel Voisin qui, en mission au Vietnam, ne peut pas être à nos côtés aujourd'hui. Le remaniement ministériel intervenu à une date non prévue a bousculé les agendas. L'examen de ces textes était prévu un peu plus tard et chacun s'était organisé. Il est difficile de remettre en cause ses obligations en quarante-huit heures. Je vous remercie donc sincèrement, mesdames, messieurs les députés, d'accepter ces changements de dernière minute. Nous allons, les uns et les autres, faire face à nos obligations par délégation. Seul compte l'intérêt de la France que nous défendons à travers notamment ce texte de loi qui traite des actions extérieures de l'État.

La prolifération des armes de destruction massive et de leurs vecteurs est une menace pour la paix et la sécurité internationale, et cette menace est multiforme.

Le Livre blanc français sur la défense et la sécurité nationale de 2008 et l'expérience des réseaux Khan et nord-coréen ont mis en lumière l'impact de la mondialisation qui favorise la prolifération des armes prohibées ou régulées. Ce mouvement n'est plus seulement le fait d'États connus pour leurs activités proliférantes – Iran ou Corée du Nord –; il résulte aussi d'initiatives prises par des réseaux privés ou clandestins. C'est bien là un danger nouveau.

Il s'est créé une économie de la prolifération, en grande partie souterraine, structurée autour de réseaux d'acquisition et de vente, qui profite de la plus grande accessibilité des technologies inhérentes à la mondialisation du marché et des outils financiers. La possibilité que des acteurs non étatiques cherchent à acquérir des armes de destruction massive est aujourd'hui mise en exergue. Il nous fallait réagir.

La résolution 1540, adoptée par le Conseil de sécurité des Nations unies en 2004, qualifie la prolifération d'armes de destruction massive et de leurs vecteurs de « menaces à la paix et à la sécurité internationale ». Depuis l'adoption de cette résolution, renforcée par la résolution 1810 en 2008, il est fait obligation aux États d'améliorer leurs outils juridiques afin de prendre en compte toutes les dimensions de la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive, de leurs vecteurs et de leurs matériels connexes. La résolution 1887 de 2009, elle, reconnaît qu'il est nécessaire que tous les États adoptent des mesures efficaces pour empêcher que des terroristes aient accès à des matières nucléaires ou à une assistance technique.

Dans ce contexte, le Premier ministre a demandé, en novembre 2006, qu'un diagnostic interministériel soit porté sur l'arsenal juridique national de lutte contre la prolifération des armes de destruction massive et de leurs vecteurs. Plusieurs améliorations sont apparues nécessaires sur quatre axes : la mise en cohérence des dispositions visant à lutter contre la prolifération des différentes armes de destruction massive, notamment en matière de sanctions pénales ; le comblement de certaines lacunes, en particulier en matière de lutte contre le financement de la prolifération ; la mise en place d'une répression accrue en cas d'activités prohibées conduites en bande organisée ou dans un but spécifiquement proliférant ; la création d'une procédure pénale particulière, sur le modèle de ce que prévoit le code de procédure pénale dans le domaine du terrorisme.

Le projet de loi que j'ai l'honneur de vous présenter a été élaboré en coordination avec d'autres ministères pour répondre à la complexité, aux lacunes et au peu de visibilité du dispositif actuel éclaté dans le code pénal, le code des douanes et le code de la défense. Il fallait plus de lisibilité et une meilleure coordination.

Avant d'entrer plus avant dans le détail du texte, j'en rappelle les points forts : harmoniser les dispositions relatives aux infractions et aux peines encourues au titre d'actes de prolifération nucléaire, biologique et chimique ; introduire celles relatives à la prolifération des vecteurs, notamment les missiles ; accroître les peines encourues en matière de contrebande, d'importation et d'exportation de biens et technologies à double usage, élément essentiel de la lutte contre la prolifération, comme l'a illustré l'épisode du réseau pakistanais, mis au jour en 2004, du docteur Abdul Qadeer Khan, scientifique ayant concouru à la mise au point de l'arme nucléaire pakistanaise ; combler une lacune importante du dispositif juridique existant en matière de financement de la prolifération.

Une enquête conduite par le SGDSN a montré que la plupart des États ne disposaient pas d'un régime unifié de répression de la prolifération. Le projet de loi vient ainsi, pour ce qui est de la définition des infractions réprimables, renforcer la cohérence du code de la défense français. La grande nouveauté affichable auprès des États partenaires est l'ajout d'un titre au livre IV du code de procédure pénale « De quelques procédures particulières », consacré à la procédure applicable aux infractions contribuant à la prolifération des armes de destruction massive.

Le titre Ier de ce projet de loi modifie le code de la défense afin de mettre en cohérence les comportements pénalement réprimés et les peines encourues dans les trois domaines de la prolifération nucléaire, biologique et chimique. Ce titre prévoit notamment l'aggravation des peines encourues lors des infractions commises en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de permettre à quiconque de se doter d'une arme nucléaire.

Le titre II porte sur la lutte contre la prolifération des vecteurs d'armes de destruction massive. Il insère une nouvelle section dans le code de la défense afin d'aggraver les sanctions encourues pour les infractions relatives à la fabrication, au commerce, à l'acquisition et à la détention, ainsi qu'au port, au transport, à la cession et à l'importation des matériels de guerre, lorsque de telles infractions concernent des vecteurs d'armes de destruction massive.

Le titre III est relatif aux biens à double usage pouvant avoir à la fois une application civile et militaire. Il modifie le code des douanes afin d'aggraver les peines encourues pour contrebande ou exportation sans déclaration de bien à double usage.

Le titre IV modifie le code de procédure pénale afin de renforcer les moyens procéduraux de lutte contre la prolifération des armes de destruction massive et de leurs vecteurs en s'inspirant fortement des règles procédurales applicables pour lutter contre le terrorisme et la criminalité organisés.

Le titre V modifie le code pénal et le code de la défense afin de compléter la liste des infractions pouvant être considérées comme actes de terrorisme. Ainsi, de nouvelles infractions sont instituées, telles que la provocation à commettre des infractions relatives aux matières nucléaires et lorsque ces dernières ont pour but de permettre à quiconque de se doter d'une arme nucléaire, ou la provocation à commettre l'une des infractions prévues en matière biologique.

Enfin, le titre VI prévoit des dispositions diverses d'harmonisation ainsi que les dispositions relatives à l'outre-mer.

Tel est l'objet de ce projet de loi sur la criminalisation des activités de prolifération en France, porté par le ministère de la défense, que j'ai l'honneur aujourd'hui de vous présenter. Il constitue une approche innovante que la France, toujours pilote en la matière, pourra promouvoir sans modération auprès de ses partenaires des traités multilatéraux de lutte contre la prolifération, et en premier lieu auprès de ses partenaires européens. C'est encore là une marche que nous franchissons pour renforcer les moyens de l'Europe de la défense que nous voulons constituer.

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