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Intervention de Gilbert Le Bris

Réunion du 25 novembre 2010 à 9h30
Lutte contre la piraterie et exercice des pouvoirs de police de l'État en mer — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGilbert Le Bris :

J'en viens à une question qui ne manque pas de me préoccuper et que nous aurons à traiter au fond un jour ou l'autre. Je veux parler de la solidité de la loi que nous voterons.

La seule raison d'être du présent projet de loi est de fixer juridiquement la procédure d'appréhension et de rétention des pirates, jusqu'à leur remise à une autorité judiciaire française ou une autorité en droit ou de fait étrangère. La norme, en l'occurrence la procédure, n'est pas une contrainte. Elle est au contraire une sécurité. Mais pour qui ? Évidemment pour ceux qui, au nom de l'État, opèrent en mer. Je parle des commandants des bâtiments et aéronefs de l'État. Ceux-ci ne doivent pas pouvoir faire l'objet, demain, de procédures intentées par tel ou tel visant à leur nuire afin de fragiliser l'engagement de notre pays contre la piraterie.

Lors de l'examen du projet de loi au Sénat, le 16 mai, dans des conditions plus satisfaisantes qu'aujourd'hui car moins précipitées, Didier Boulaud, sénateur socialiste de la Nièvre, avait fait part de ses doutes profonds sur la procédure adoptée, notamment en raison des incertitudes pesant sur l'avenir des procédures pénales internationales. Je me suis abstenu de développer cet argument en commission, considérant que notre collègue de la Haute assemblée l'avait fait et bien fait, mais un événement récent m'oblige à y revenir.

Le 23 novembre, il y a deux jours, la Cour européenne des droits de l'homme a fait droit à une requête introduite par une ressortissante française qui contestait, entre autre chose, la qualité d'autorité judiciaire du représentant du parquet. Malgré quelques précautions oratoires, la Cour affirme très fermement que « du fait de leur statut, les membres du ministère public, en France, ne remplissent pas l'exigence d'indépendance à l'égard de l'exécutif ; l'indépendance compte, au même titre que l'impartialité, parmi les garanties inhérentes à la notion autonome de magistrat, au titre de l'article 5 alinéa 3 ».

Je rappelle à tous ici que le troisième alinéa de l'article 5 de la Convention européenne des droits de l'homme dispose que « Toute personne arrêtée ou détenue, dans les conditions prévues au paragraphe 1 c) du présent article, doit être aussitôt traduite devant un juge ou un autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires et a le droit d'être jugée dans un délai raisonnable, ou libérée pendant la procédure. La mise en liberté peut être subordonnée à une garantie assurant la comparution de l'intéressé à l'audience. ».

Alors, que retirer de cela ? Peu de choses pour l'instant puisque la France a fait appel. Mais je forme ici le voeu que le présent projet de loi ne soit pas entaché demain d'un biais considérable au cas où, de façon définitive, le parquetier se verrait refuser la qualité de magistrat par la justice européenne. Après l'arrêt Medvedyev de mars 2010, ce serait une nouvelle course qui s'engagerait pour l'État, afin de mettre sa législation nationale en conformité avec la norme supérieure. Et pourtant, ce serait bien la seule façon d'assurer aux agents de l'État le cadre juridique d'action irréprochable dont ils ont besoin. Je souhaite donc que le ministère de la défense se souvienne que la procédure pénale est non pas une contrainte, mais bien une sécurité. Je réitère mes regrets quant au désintérêt manifesté par la commission des lois sur ce texte, comme sur celui traitant de la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive, que nous examinerons tout à l'heure.

Quoi qu'il en soit, monsieur le ministre, mes chers collègues, je crains que nous n'ayons l'occasion de nous revoir sur ce problème juridique. C'est ce qui explique pourquoi j'ai qualifié ce texte d'insuffisant, bien qu'indispensable et opportun. Mais, comme nous retenons d'abord son aspect positif, les députés du groupe SRC le voteront. (Applaudissements sur tous les bancs.)

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