Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Patrick Beaudouin

Réunion du 25 novembre 2010 à 9h30
Lutte contre la piraterie et exercice des pouvoirs de police de l'État en mer — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrick Beaudouin :

Depuis une dizaine d'années, la piraterie maritime, que l'on croyait appartenir au passé ou reléguée aux écrans d'Hollywood, a fait son retour dans l'actualité : les noms du Ponant, du Carré d'As et du Tanit ont montré qu'elle demeurait une menace bien réelle. La prise d'assaut de tankers, de gros cargos ou de bateaux de pêche par des commandos armés témoigne du retour de la grande piraterie et de l'existence de réseaux criminels économiques organisés qui s'intéressent moins aux marchandises transportées qu'aux marins, dont ils font des otages. Cette piraterie concerne particulièrement trois zones : le détroit de Malacca ; le Golfe de Guinée ; le Golfe d'Aden et l'océan Indien, au large des côtes africaines, en particulier celle de la Somalie.

Cette dernière zone est particulièrement sensible pour la France. D'abord, parce qu'avec Mayotte et la Réunion, notre pays est riverain de l'océan Indien. Ensuite, parce que l'océan Indien revêt une importance économique particulière, en matière tant de transport de marchandises que de pêche. Cette forte présence française explique que nos ressortissants — pêcheurs, marins, touristes — soient particulièrement exposés aux exactions des pirates.

Face à la résurgence de cette menace, la France a joué un rôle majeur sur le plan international. En 2008, elle a été à l'origine, avec les États-Unis, de l'adoption de la résolution 1816 du Conseil de sécurité de l'ONU, autorisant les États à agir contre la piraterie dans les eaux territoriales somaliennes. Elle a aussi grandement contribué à la mise en place de la mission de l'Union européenne Atalante, qui a pour but de lutter contre l'insécurité dans le golfe d'Aden et l'océan Indien. C'est, d'ailleurs, un Français qui en assure actuellement le commandement. J'en profite, au nom de mon groupe, pour rendre hommage à nos soldats marins engagés dans Atalante.

Au-delà de l'aspect militaire se posent des problèmes juridiques qui découlent, pour partie, de la nature de l'État somalien, celui pour lequel a été créé le concept d'« État failli ». Le présent projet de loi entend donc renforcer l'efficacité de notre action, aussi bien militaire que judiciaire.

Avant toute chose, il convenait de réintroduire la notion de piraterie dans notre droit. Tombée en désuétude, elle avait disparu de notre droit positif à la faveur de la loi de simplification du droit de 2007. Le projet de loi réinsère donc une incrimination de piraterie en droit français.

Le projet de loi renforce aussi les capacités d'intervention des forces armées françaises. « Lorsque le droit international l'autorise », elles pourront agir dans les eaux territoriales d'un État, ce qui leur permettra, en particulier, d'intervenir dans les eaux territoriales somaliennes. Leurs interventions pourront viser non seulement les navires ne battant aucun pavillon, mais aussi ceux battant pavillon d'un État étranger, sans qu'il soit besoin d'obtenir l'accord préalable de l'État du pavillon. Ces interventions pourront avoir lieu lorsqu'il existera des « motifs raisonnables » de soupçonner qu'un acte de piraterie a eu lieu, est en cours, ou se prépare.

L'autre apport du texte est d'ordre juridictionnel. Aujourd'hui, huit pirates sur dix capturés sont remis en liberté, ce qui favorise un sentiment d'impunité et n'est certainement pas étranger à la multiplication des actes de piraterie et à leur audace croissante. Parce que les tribunaux des États riverains ne peuvent pas forcément accroître leurs capacités de jugement dans des proportions suffisantes, il est nécessaire que les juridictions d'États tiers apportent leur contribution, comme le font, en ce moment, les Allemands à Hambourg.

Le projet de loi instaure donc une compétence « quasi universelle » de nos tribunaux pour traiter des actes de piraterie maritime. Il s'agit d'ajouter aux liens de rattachement traditionnels du droit pénal celui d'une arrestation opérée par des forces militaires françaises. Cela n'exclut naturellement en rien la réflexion sur la mise en place de tribunaux internationaux chargés de juger les actes de piraterie.

Ce texte opère donc une clarification juridique bienvenue. Il constitue un témoignage de l'engagement de notre pays à lutter contre ce fléau qu'est la piraterie, qui reposera sur trois piliers.

D'abord, un engagement militaire avec le déploiement permanent d'au moins une frégate, la participation ponctuelle d'un avion de patrouille maritime, et un soutien logistique avec son dispositif pré-positionné à Djibouti.

Ensuite, une action judiciaire, que ce projet de loi va conforter.

Enfin, un traitement global à la source du problème, c'est-à-dire à terre, avec la contribution de notre pays à la formation des forces de sécurité somaliennes ou à l'aide au développement. Le projet Seaphora, porté par notre rapporteur Christian Ménard, auquel je rends hommage, va dans le même sens, et je tenais à saluer cette initiative.

Au-delà d'une harmonisation européenne nécessaire, que nous souhaitons tous, ce projet de loi vient parachever un dispositif très complet, et c'est avec confiance que le groupe UMP le votera. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion