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Intervention de Frédéric Oudéa

Réunion du 3 novembre 2010 à 17h00
Commission d'enquête sur les mécanismes de spéculation affectant le fonctionnement des économies

Frédéric Oudéa, président-directeur général de la Société Générale :

Il faut des lois et des contrôles par des régulateurs appropriés, de sorte que les banques et l'ensemble des intermédiaires aient des pratiques saines, c'est-à-dire vérifient la capacité de remboursement de l'emprunteur, laquelle ne doit pas reposer sur des anticipations spéculatives sur des actifs.

Le deuxième élément est la qualité du régulateur. À cet égard, le régulateur français peut être pris en exemple, la crise ayant clairement montré qu'il existait deux types de régulation. Il y a celle qui conduit à mener un travail en profondeur dans les banques, à travers des audits et des inspections impliquant des moyens humains : notre régulateur passe fréquemment du temps au sein des établissements pour décortiquer un sujet donné. D'autres régulateurs ont une approche plus distante : ils posent des principes, sans aller nécessairement vérifier dans le détail s'ils sont respectés. La tendance est aujourd'hui au renforcement des moyens et des vérifications, eu égard aux défaillances observées face à la situation de certains établissements et aux risques systémiques. En France, le régulateur est resté confiant dans la nature des risques pris par les banques.

Troisième volet du triptyque : les ratios de capital et de liquidité. C'est un enjeu déterminant. Désormais, les banques vont être « corsetées » par trois paramètres, dont la combinaison déterminera leur capacité à prêter et prendre des risques. Le premier, le tier one ou plutôt core tier one, consiste à rapporter le capital de la banque aux risques qu'elle prend, mais en les pondérant – car dans le système de Bâle, prêter à une collectivité locale ou faire du crédit immobilier ne revient pas au même que de s'engager sur un pays émergent ou de financer une PME. Le deuxième, appelé ratio de levier (ou leverage ratio) un rapport entre le capital et les engagements financiers globaux, indépendamment de leur nature, nous a été imposé de facto par les États-Unis, où il n'a pourtant pas empêché la catastrophe ; pour notre part, nous considérons qu'il n'est pas pertinent de traiter ainsi tous les types de risque de manière uniforme. Enfin, les ratios de liquidité, qui sont en cours de discussion, peuvent jouer un rôle essentiel. La grande leçon de la crise, c'est en effet que la liquidité, comme le capital, est une ressource rare et doit être gérée comme telle. Le monde où la liquidité était abondante et bon marché est révolu. La liquidité va conditionner notre capacité de prêt ; les ratios de liquidité peuvent être assez contraignants dans un paysage financier « désintermédié », comme en France, où sont proposés des SICAV monétaires, des produits d'assurance-vie, etc. Nous devrons résister à des crises et veiller à avoir dans notre bilan suffisamment de ressources longues pour prêter.

Entre 2007-2008, c'est-à-dire avant la crise, et début 2013, moment où le dispositif Bâle III entrera en vigueur, l'exigence minimale de capital va être multipliée par quatre ou cinq. Avant la crise, la Société Générale était au-dessus du seuil requis, mais nous allons néanmoins devoir multiplier par deux environ le montant de nos fonds propres : pour un même risque, il nous faudra en moyenne deux fois plus de capital. C'est un vrai changement et cela induira, à mon avis, des transformations fondamentales du système bancaire.

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