La différence entre enseignement qui prépare et enseignement qui inspire est une question qui me préoccupe beaucoup.
Je pense que nous avons commis des erreurs, dans le passé, en réformant les programmes de mathématiques. À un certain moment, il a paru nécessaire, en raison du rythme galopant du progrès scientifique, d'augmenter le volume de connaissances enseignées : de ce fait, ce qui était autrefois enseigné à l'université l'est désormais au lycée, et ce qui était enseigné au lycée, au collège. Ce fut une grosse catastrophe parce que toutes les sources d'inspiration de l'enseignement des mathématiques ont été asséchées, au profit de ce qui était supposé préparer – même si, en réalité, cela ne prépare pas à grand-chose. L'enseignement devient ainsi de plus en plus formel. La meilleure illustration de cette évolution est la quasi-disparition de la géométrie euclidienne. Il s'agit, bien sûr, d'un chapitre révolu de l'histoire des mathématiques, qui n'est plus enseigné à l'université et dont l'utilité pratique n'est pas très grande, mais c'est un domaine à la fois accessible aux élèves et susceptible de révéler la beauté des mathématiques.
Par ailleurs, une certaine pression sociale incite à ce que les mathématiques soient de plus en plus faciles, dans le mauvais sens du terme. Les exercices donnés à mes enfants me donnent vraiment l'impression que l'on veut les transformer en automates : ils doivent suivre pas à pas des algorithmes ne laissant aucune place à l'imagination, à la surprise ou au défi ; pour y arriver, il suffit d'être un peu concentré.
Ces deux tendances – mettre l'accent, dans les programmes scolaires, sur les mathématiques modernes, plus fastidieuses, et rendre les mathématiques plus algorithmiques – contribuent à détruire la part de l'enseignement qui inspire. Il conviendrait d'en tenir compte lors de la révision des programmes.