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Intervention de Yves Meyer

Réunion du 17 novembre 2010 à 16h15
Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques

Yves Meyer, lauréat du prix Gauss :

Je travaille dans un laboratoire de mathématiques appliquées de l'ENS de Cachan, ancienne École normale supérieure de l'enseignement technique (ENSET), qui a conservé une tradition de recherche appliquée. La moitié de notre financement vient d'un contrat avec le Centre national d'études spatiales (CNES), contrat que Jean-Michel Morel et moi avons amorcés et qui est en vigueur depuis plus de dix ans. Nous intervenons dans la fabrication du programme d'imagerie spatiale SPOT (satellite pour l'observation de la Terre). Dans ce cadre, nous avons notamment élaboré une partie des logiciels embarqués dans SPOT-5. Cet exemple montre à quel point l'idée que le grand public se fait des mathématiques, issue de Bourbaki, est devenue fausse. La première image de SPOT-5, à deux mètres de résolution et d'excellente qualité, parue dans Le Monde, représentait la rue de Rivoli. Nous sommes, en quelque sorte, responsables de ce résultat.

Bourbaki, en établissant un certain niveau d'excellence, a joué un rôle considérable, mais il a eu le défaut immense de définir les mathématiques comme des mathématiques pures. La confusion se prolonge d'ailleurs aujourd'hui : le Congrès international des mathématiciens (International Congress of Mathematicians, ou ICM), qui nous a remis nos distinctions à Hyderâbâd, en Inde – médailles Fields et prix Gauss –, porte une dénomination équivoque ; c'est en réalité un congrès international de mathématiques pures, sachant qu'il existe un organisme spécialisé dans les mathématiques appliquées, le Conseil international de mathématiques industrielles et appliquées (International Council for Industrial and Applied Mathematics, ou ICIAM).

La confusion entre mathématiques et mathématiques pures, qui procède d'une certaine tradition, n'est donc pas propre à la France. Cependant, à mon sens, l'avenir des mathématiques réside dans une sorte de respiration avec toutes les sciences et toutes les technologies. Ainsi, en neurosciences, la compréhension du cerveau progresse et progressera grâce à la modélisation mathématique, seule à même d'envisager et de structurer des mécanismes dont la description détaillée est strictement impossible. Tel est l'objet des mathématiques appliquées.

Cessons donc de réduire les mathématiques à Bourbaki, ce n'est plus pertinent aujourd'hui !

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