Le moins que l'on puisse dire, c'est que les lois organiques et ordinaires, notamment à caractère institutionnel, ressemblent d'avantage à des nomenclatures comptables qu'à l'énoncé de règles de vie commune. C'est très commode pour dissimuler des distorsions de droit, et votre Gouvernement ne s'en est pas privé.
Nous pouvons effectivement saluer la patience et la constance des Mahorais, qui, en 1958, déjà ont présenté à l'Assemblée nationale une motion pour attribuer à leur territoire un statut départemental, alors rejetée. En 1976, ils ont reçu et approuvé un statut sui generis, accompagné d'une promesse de consultation dans un délai de trois ans. En fait, il est resté en vigueur jusqu'en 2001. Je crois que c'est à force de subir des dérogations aux libertés individuelles, des exceptions à l'égalité républicaine, que les Mahorais ont décidé de maintenir leur choix du statut départemental, de l'identité législative, du droit commun, avec un espoir de stricte égalité, ce qui ne sera malheureusement pas le cas, tel que le prouvent la loi organique et la loi ordinaire.
Votre gouvernement nous avait prévenus que, dès 2009, de nombreux droits ne seraient appliqués que progressivement. J'entends bien les personnes intelligentes et très cultivées qui connaissent le chemin du bonheur mieux que personne et qui nous expliquent combien les mentalités sont lentes à évoluer. Dans les quatre autres départements d'outre-mer, la loi de départementalisation date de 1946, et l'égalité sociale a commencé en 2000, c'est-à-dire cinquante-quatre ans plus tard. J'espère, chers Mahorais, que vous n'aurez pas à faire cette traversée au long cours.
En réalité, madame la ministre, votre Gouvernement a deux problèmes : le premier est sa difficulté à concevoir l'égalité malgré la différence et l'éloignement ; le deuxième est son incapacité à considérer les bassins régionaux comme des zones géopolitiques cohérentes avec des atouts équivalents, exposés à des problématiques communes, chargés de la sécurité et de la prospérité de territoires qui leur sont communs, prospérité et sécurité qui sont davantage exposées et mises en danger par des économies interlopes de contrefaçons et de trafics que par la mobilité des personnes qui y résident.
En résultat, vous ne faites rien jusqu'au bout, ni l'égalité républicaine, car vous pénalisez les femmes qui ont besoin d'autonomie économique et les jeunes qui ont besoin d'éducation, ni l'égalité de contribution à l'économie régionale. Madame la ministre, à titre personnel, vous ne devriez pas accepter d'être complice de tels procédés.