Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, Mayotte, plusieurs orateurs l'ont rappelé, est unie à la France depuis 1841. Depuis 1976, c'est une collectivité territoriale à statut particulier, ce qui lui a assuré la présence des services de l'État et a permis l'allocation de fonds publics pour un montant significatif. Néanmoins, la majorité des Mahorais réclamait un statut qui leur garantisse, dans la durée, l'appartenance à la République. Après René Dosière, je tiens à rappeler que le gouvernement de Lionel Jospin engageait, il y a plus de dix ans, une importante concertation avec l'ensemble des forces politiques mahoraises sur ce sujet, laquelle débouchait sur un accord soumis à consultation et approuvé par les trois-quarts des électeurs en 2000. C'est donc une décennie après le début de ce processus que notre assemblée est saisie, certes en procédure accélérée, d'un nouveau projet politique.
Sur le fond, ces deux textes de loi appellent trois observations. Cette départementalisation intervient au moment même où les réformes successives de la taxe professionnelle et des collectivités territoriales modifient le paysage institutionnel français. Ainsi, la nouvelle collectivité intégrée dans le droit commun assumera demain les compétences relevant à la fois des départements, des régions et des régions d'outre-mer. Elle ne disposera pour cela que d'une nouvelle fiscalité dont les contours restent incertains pour tous les départements et pour toutes les régions !
Cela me conduit à ma deuxième observation de fond. Elle est relative à l'enjeu du développement économique et social. Les problèmes à régler ne proviennent pas uniquement des évolutions statutaires. Si la situation est déjà difficile pour l'ensemble des départements, elle risque d'être encore plus complexe pour Mayotte dans la mesure où, comme le rappelait le Premier ministre en 2001, l'enjeu est que, une fois l'enracinement dans les institutions territoriales de droit commun fait, les Mahorais doivent et devront pouvoir se consacrer à la question essentielle du développement économique et social.
Certes, 30 millions d'euros sont inscrits pour la période 2011-2013 pour soutenir l'investissement et l'emploi. Mais cette somme reste insuffisante dans le contexte d'une indispensable mise à niveau, notamment des infrastructures publiques et des services d'intérêt général aux personnes, comme ceux de la santé et de l'éducation.
Par ailleurs, Mayotte est confrontée à une forte pression démographique, due non seulement au dynamisme de sa population et de ses différents âgés, mais aussi au flux des Comoriens qui entrent, légalement et illégalement, sur le territoire mahorais. Je me contenterai de prendre deux exemples, de nature et de portée différentes.
En matière d'éducation, le transfert à la collectivité des charges de construction et de fonctionnement des établissements d'enseignement secondaire ne peut pas ne pas être accompagné d'une réflexion sur les objectifs et les moyens nécessaires pour rendre effectif l'accès à l'école et à la langue commune. Il ne suffit pas de transférer une compétence de l'État vers un nouveau département pour affirmer que ce droit est effectif. Il y a un devoir de solidarité de l'État pour le rendre réel.
Dans le domaine institutionnel et dans celui des garanties apportées par l'État, il convient, pour ne prendre que cet autre exemple, d'allouer des moyens pour assurer la mise en place et la mise en oeuvre d'un registre du cadastre, ce afin de garantir le droit individuel sur les propriétés immobilières. Dans la plupart des territoires qui n'en avaient pas et qui s'en dotent, cela est souvent une tâche longue et difficile, mais indispensable. C'est donc un enjeu dans un territoire où prévaut en la matière une tradition coutumière, donc non écrite. Les garanties formelles qui s'y attachent renforceront la sécurité juridique des droits des personnes et le développement économique.
Ma dernière observation porte sur les relations qu'entretient Mayotte avec son environnement proche. L'intégration entière de Mayotte dans le système politique et administratif français ne fait pas disparaître la partition intervenue entre les îles. De nombreux Comoriens tentent, notamment en l'absence de visa, d'entrer coûte que coûte et par tous les moyens à Mayotte. Cela tient à plusieurs raisons.
De façon traditionnelle, les insulaires avaient et ont encore l'habitude de se rendre dans les différentes îles. Cette situation a pour partie changé de nature avec un développement régional inégal qui conduit de nombreux Comoriens à chercher un salut économique dans un départ à « l'étranger », celui-ci étant si proche et parfois si ressemblant.
À la question de la circulation des personnes, qui doit être revue, notamment à la lumière des règles et des exigences du droit européen et d'un traitement humain des situations collectives, fait pendant la question du développement de la coopération dans plusieurs domaines, comme ceux de l'énergie ou du transport. Il faut traiter Mayotte comme un département frontalier.
La départementalisation est un choix des Mahorais et une chance pour la République. Elle doit être une opportunité pour la région et ses habitants. Le statut institutionnel de département frontalier est en effet un défi, comme on l'a dit. Il doit désormais être un exemple et une opportunité pour tracer un cercle vertueux en faveur de la coopération et du développement dans cette région géographique. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)