Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le 29 mars 2009, les Mahorais ont plébiscité la transformation de Mayotte, collectivité d'outre-mer, en collectivité tenant lieu de département et région d'outre-mer.
Quand on sait qu'il y a moins de quarante ans, en 1976, la question de l'indépendance de Mayotte avait été posée, on comprend à quel point la réponse du 29 mars 2009 est un choix fort, un véritable appel à une plus grande intégration de l'île au sein de la République.
À une prise en compte accrue de leurs spécificités permise par le statut de collectivité d'outre-mer, les Mahorais ont en effet préféré la départementalisation, synonyme d'une association plus étroite avec la métropole. Le député de la Nouvelle-Calédonie que je suis ne peut rester indifférent à ces ultramarins qui crient leur volonté de rester Français, ayant bien compris que c'était leur intérêt.
Cette décision de rester dans notre République révèle bien la part d'effort et, j'oserai même dire, la part de risque inhérentes au statut de collectivité d'outre-mer, et a fortiori à celui de collectivité sui generis propre à la Nouvelle-Calédonie.
C'est toute l'ambivalence des transferts de compétences : volonté des élus locaux d'adapter la réglementation et les services publics aux spécificités de leur collectivité, mais aussi crainte d'un désengagement de l'État, d'un accompagnement insuffisant dans l'exercice de leurs nouvelles compétences.
Il me semble donc important que l'État rappelle que le choix de la différence – différence de statut, différence d'organisation institutionnelle, différence de législation – n'est pas synonyme d'une décision d'éloignement de la République. Dès lors que les compétences régaliennes continuent d'être exercées au niveau étatique, le choix d'un statut spécifique doit se lire comme le signe d'une meilleure prise en compte des spécificités et non comme une prise de distance par rapport à la République. C'est le fameux « être soi-même au sein de la République », développé par le Président Nicolas Sarkozy lors du conseil interministériel de l'outre-mer du 6 novembre 2009.
L'État se doit donc de rassurer les collectivités d'outre-mer sur son soutien dans l'élaboration de nouvelles solutions institutionnelles et son accompagnement dans l'exercice des compétences transférées.
Le projet de loi ordinaire qui nous est soumis prévoit la ratification de seize ordonnances, dont l'une retient tout particulièrement mon attention. C'est dans ce contexte que je souhaite évoquer la question de la création d'un établissement public d'incendie et de secours – EPIS – en Nouvelle-Calédonie.
Le 11° de l'article 28 du projet de loi ordinaire relatif à la départementalisation de Mayotte prévoit en effet la ratification de l'ordonnance du 29 octobre 2009 qui crée en Nouvelle-Calédonie un établissement public d'incendie et de secours.
La création de cet établissement public répond à deux objectifs louables : la mutualisation des moyens de lutte contre l'incendie et l'homogénéisation de la couverture des risques collectifs sur l'ensemble de notre collectivité. Ces objectifs sont d'autant plus légitimes que la Nouvelle-Calédonie est une terre vulnérable aux incendies, comme le révèlent les 12 000 hectares brûlés depuis septembre dernier.
Cependant, le dispositif proposé par l'ordonnance du 29 octobre 2009 n'est pas sans poser quelques difficultés. En effet, l'État a choisi de mettre en oeuvre en Nouvelle-Calédonie un établissement public d'incendie et de secours très largement inspiré des services départementaux d'incendie et de secours, les SDIS, existant en métropole.
Pour ce qui concerne le budget de l'EPIS, celui-ci est conditionné par le schéma directeur d'analyse et de couverture des risques et le règlement opérationnel, qui sont tous deux adoptés par le représentant de l'État, c'est-à-dire le haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie.
À l'heure actuelle, le projet de schéma directeur d'analyse, élaboré par le service de la sécurité civile, fait état de la nécessité de créer entre douze et quarante centres de secours. Or les subventions que l'État s'est engagé à verser à la Nouvelle-Calédonie pour financer l'EPIS devraient s'élever à 5 millions d'euros, soit le budget de trois centres de secours.
Je ne souhaite pas m'attarder ici sur l'absence d'inscription dans la mission « Sécurité civile », programme 128, action 3, du projet de loi de finances pour 2011 des crédits nécessaires au financement de l'EPIS. Ce que je souhaite, en revanche, c'est mettre l'accent sur le retrait général, non pas normatif mais financier, de l'État dans l'organisation de la lutte contre l'incendie en Nouvelle-Calédonie.
Alors que le transfert de la sécurité civile de l'État vers la Nouvelle-Calédonie sera débattu par le Congrès en 2011, et même si je sais, madame la ministre, que vous êtes attachée à bien distinguer lutte contre l'incendie et sécurité civile, le désengagement de l'État n'est pas sans inquiéter les élus locaux. Je souhaite donc attirer votre attention, vous alerter, oserai-je même dire, sur cette question : décentralisation et transferts de compétences ne doivent pas être synonymes de désengagement ou de désintérêt de l'État, au risque de voir la qualité du service public se détériorer.
Je regrette donc vivement que les avis des deux associations des maires de Nouvelle-Calédonie, l'Association française des maires et l'Association des maires de Nouvelle-Calédonie, ainsi que celui du Congrès de la Nouvelle-Calédonie n'aient pas été entendus sur l'élaboration de cette ordonnance. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)